Translation et sépulture de sainte Cécile
Dans un article précédent nous avons vu comment le Pape Pascal retrouva le corps de sainte Cécile. Ensuite il procéda à la translation de ces reliques sans oublier bien sûr celles des autres protagonistes de ce glorieux martyre, à savoir, saint Valérien, son époux, saint Tiburce, le frère de celui-ci, saint Maxime, greffier d'Almachius, converti par le courage des martyrs et saint Urbain le vénérable pontife qui instruisit dans la foi tous ces nouveaux convertis.
Le lieu de la nouvelle sépulture de sainte Cécile ne pouvait être que son ancien palais transformé en basilique et où elle avait souffert le martyre.
Saint Pascal laissa le corps de sainte Cécile dans l'arche de cyprès où il l'avait trouvé en gardant la même posture qu'avait sainte Cécile au moment de sa mort ; il mit l'ensemble dans un sarcophage de marbre blanc soigneusement scellé ; un deuxième reçut les restes des trois autres martyrs saint Valentin, saint Tiburce et saint Maxime. Une chose est à noter : les têtes de saint Valentin et de saint Tiburce étaient détachées, ce qui confirme leur mort par décapitation comme il est indiqué dans les actes. Un troisième sarcophage reçut les restes de saint Urbain et de saint Lucius, pape et martyr.
Tous les sarcophages furent soigneusement scellés et placés dans une sorte de souterrain de la basilique sainte Cécile ; avant qu'un mur circulaire ferma le tout, saint Pascal fit poser à l'intérieur du souterrain un marbre avec une inscription qui rappelait à la postérité la valeur du dépôt.
Seconde découverte du corps de sainte Cécile
Avec les siècles qui passèrent, il ne resta qu'un vague souvenir du lieu où reposait les saints corps. On savait qu'ils se trouvaient dans la basilique de sainte Cécile plus ou moins sous l'autel. Il fut réservé au cardinal Strondrate, titulaire de la basilique sainte Cécile, de redécouvrir le corps de la sainte le 20 octobre 1599.
Eglise de sainte Cécile au Trastevere à Rome (extérieur)
Le corps de sainte Cécile apparait au grand jour
Une fois ôtée la plaque de marbre qui fermait le sarcophage de sainte Cécile, le cardinal enleva lui-même le couvercle de l'arche de cyprès, et après huit siècles d'obscurité et de silence, Cécile apparaissait encore une fois aux yeux des fidèles du Christ, dans l'ineffable majesté de son martyre le corps absolument intact. Ce fut un moment solennel et plein d'émotion. Elle était revêtue de sa robe brochée d'or, sur laquelle on distinguait encore les taches glorieuses de son sang virginal ; à ses pieds reposaient les linges teints de la pourpre de son martyre. Etendue sur le côté droit, les bras affaissés en avant du corps, elle semblait dormir profondément. Le cou portait encore les cicatrices des plaies dont le glaive du licteur l'avait sillonné ; la tête, par une inflexion mystérieuse et touchante, était retournée vers le fond du cercueil. Le corps se trouvait dans une complète intégrité, et la pose générale, conservée par un prodige unique, après tant de siècles, dans sa grâce et sa modestie, retraçait avec la plus saisissante vérité Cécile rendant le dernier soupir, étendue sur le pavé de la salle de bain.
Eglise de sainte Cécile au Trastevere à Rome (intérieur)
La posture du corps de Cécile éternisée dans le marbre
Un habile sculpteur, Etienne Maderno fut chargé d'éterniser par son gracieux ciseau l'attitude de Cécile dans le tombeau. Ce chef d'oeuvre de grâce et de modestie existe encore dans la basilique Transtibérine. Cet artiste de 24 ans voulut rendre jusque'à la pose des mains qui attestait d'une si expressive la foi de Cécile mourante. Les trois premiers doigts de la main droite étaient étendus ; ceux de la gauche fermés, sauf l'index. Unité de la substance divine, Trinité des personnes : telle est la foi de l'Eglise, tel était aussi le sens du geste symbolique qui témoignait, après tant de siècles, la croyance pour laquelle sainte Cécile avait versé son sang.
Cette description plus détaillée du corps de sainte Cécile apporte de nouveaux arguments en faveur de l'authenticité des actes. Dans l'article précédent, nous avons déjà mentionné la robe tissée d'or et les linges pourprés de son sang à ses pieds. Cette deuxième reconnaissance du corps de sainte Cécile permit de constater que sainte Cécile était très petite. Cette observation permet de mieux comprendre deux passages des actes :
- celui où, pour répondre aux envoyés d'Almachius, elle monta sur un marbre qui se trouvait près d'elle, afin de se faire entendre de tous ;
- et celui où au début de l'interrogatoire Almachius, s'adressant à sainte Cécile commence par lui dire "qui es-tu, jeune fille (puella) ?"
Le cardinal ouvra aussi les autres sarcophages, entre autre celui qui contenaient les corps de saints Valérien, Tiburce et Maxime. Là encore un examen minutieux confirma les actes :
- les ossements de saint Valérien et de saint Tiburce offrent une telle ressemblance qu'on serait tenté de les confondre ; or Almachius, dans l'interrogatoire hésita sur l'âge des deux frères.
- la tête de saint Maxime n'était pas détachée du reste du corps ; cela confirme ce que les actes racontent sur son martyre : il ne fut pas décapité, mais assommé avec des fouets garnis de balles de plomb ; de plus son crâne est fracassé, et ses cheveux sont collés de sang ; tout cela atteste encore le genre de supplice par lequel le greffier d'Almachius remporta la couronne céleste.
Vraies ou fausses reliques de sainte Cécile ?
Cette redécouverte du corps intègre de sainte Cécile remet en cause l'authenticité des reliques de cette sainte que certaines églises revendiquaient. Cette apparente contradiction peut s'expliquer facilement. On ignorait que saint Pascal avait laissé le corps de sainte Cécile dans toute son intégrité ; or il existe plusieurs saintes du nom de Cécile, martyres romaines. Ainsi la confusion était facile entre les différentes martyres et il était tentant de prendre les reliques d'une des martyres comme étant celle de la grande sainte Cécile vénérée par tous les Romains.
Réponses à des objections sur l'authenticité des actes de sainte Cécile
L'une des principales objection avancée contre l'authenticité des actes de sainte Cécile a été mise en avant par un Janséniste assez connu, Tillemont. Selon lui les actes de sainte Cécile ne pouvaient pas être authentiques car ils supposent une persécution contre les chrétiens sous le règne de l'empereur Alexandre Sévère (208 - 235) qui était plutôt favorable aux chrétiens en raison de l'influence de sa mère, qu'on suppose même être chrétienne.
Ce fait est bien certain, mais il n'est pas moins certain que cet empereur, faible de caractère, était absent de Rome au moment du martyre de sainte Cécile en 230. C'est donc le préfet de la ville éternelle, Almachius qui était provisoirement le maître. Or, même si l'empereur était favorable envers les chrétiens, il n'avait pas supprimé les édits de persécutions contre les chrétiens. Par conséquent, un fonctionnaire quelque peu zélé pouvait se prévaloir de ces édits pour assouvir sa haine contre les chrétiens.
On peut remarquer aussi que dans les actes du martyre de sainte Cécile, le nom de l'empereur n'est pas cité une seule fois.
En faveur de la haute antiquité des actes et donc de son authenticité, nous pouvons citer deux passages :
- dans un dialogue avec Tiburce, sainte Cécile parle deux fois du Saint-Esprit comme procédant du Père, sans dire qu'il procède aussi du Fils. Ce langage appartient à l'Eglise primitive qui insistait rarement sur la procession du Saint-Esprit à l'égard du Fils.
- Sainte Cécile en conversation avec Tiburce, fait allusion à l'origine des nimbes sur la tête des statues des dieux ; cela suppose aussi l'ancienneté des actes.
On pourrait reprendre aussi les autres objections, mais cela nous mènerait trop loin. Il faut bien comprendre que la découverte du corps intègre de saint Cécile est un argument péremptoire en faveur de l'authenticité des actes du martyre de sainte Cécile.
Sur le site des catacombes romaines vous trouverez une notice sur la crypte de sainte Cécile : Visitez la catacombe de saint Calixte
Copie de la statue de sainte Cécile dans la cathédrale d'Albi