Avant de parler de l'acte héroïque de charité, nous rappelons quelques notions concernant les fruits des actes bons et l'indulgence.
Les effets de tout acte bon
Un acte bon a trois effets ou un triple fruits :
- un effet méritoire, en tant qu'il procède de la charité ; le mérite est un droit à une récompense ; il ne peut être communiqué à d'autres
- un effet impétratoire en tant qu'une demande ou prière, jointe à cet acte, est faite pour obtenir une faveur de Dieu ; l'impétration ou obtention s'appuie sur l,a miséricorde divine ; il est clair qu'une personne peut demander à Dieu des faveurs pour une autre personne ;
- un effet satisfactoire en tant que l'acte accompli comportait une certaine difficulté ; la satisfaction est de l'ordre de la justice en vue de l'apaiser ; ce fruit satisfactoire peut être communiqué à un autre, dans la mesure où ils sont unis dans la charité.
Définition de l'indulgence
L'indulgence est la rémission de la peine temporelle due aux péchés, faite en dehors du sacrement de pénitence par l'application des trésors de l'Eglise. Cette application peut être liée à une action, a une prière ou autre oeuvre selon ce que l'Eglise a prescrit.
Le péché entraine une double peine, la peine de la coulpe et une peine temporelle ; par le sacrement de pénitence est remise la peine de la coulpe, mais la peine temporelle peut ne pas être remise. En ce cas il faut satisfaire par des oeuvres ; mais la remise de la peine temporelle qui peut être obtenue par l'indulgence, consiste à bénéficier, en raison de la communion des saints, des oeuvres satisfactoires du Christ et des saints qui constituent ce qu'on appelle le trésor de l'Eglise et dans lequel l'Eglise a le droit de puiser. Ce trésor est inépuisable en raison des mérites infinis du Christ.
En quoi consiste cet acte héroïque de charité envers les âmes du purgatoire
Il consiste en l’offrande spontanée, faite par le fidèle à la divine Majesté, en faveur des âmes du purgatoire, de toutes ses œuvres satisfactoires pendant la vie et de tous les suffrages qui peuvent lui être appliqués après sa mort.
Beaucoup de fidèles, dévots serviteurs de la très sainte Vierge Marie, ont adopté en plus la louable pratique, introduite ou au moins propagée à la fin du XVIIIe siècle par le P. Gaspar Oliden, théatin, de déposer ces œuvres et ces suffrages entre les mains de la très sainte Vierge, afin qu’elle les distribue à celles de ces saintes âmes qu’elle veut délivrer plus tôt des peines du purgatoire. Cette pratique, fort louable, sans doute, n’est cependant ni obligatoire ni essentielle à l’acte héroïque.
Ainsi, l'acte héroïque de charité n'est point un moyen nouveau de soulager les âmes du purgatoire, mais une manière de leur appliquer tous les moyens dont nous avons déjà parlé dans cet article de notre blog : La dévotion envers les âmes du purgatoire. Ce voeu n'oblige pas sous peine de péché. Ainsi, cet acte de volonté peut être révoqué au gré de celui qui l’a fait sans aucune faute.
Par cette offrande, on ne cède que le fruit spécial et personnel de chaque œuvre ; et, par suite, cette donation n’empêche pas les prêtres d’offrir la sainte Messe à l’intention de ceux qui leur ont donné des honoraires ; elle n’empêche pas non plus les fidèles de prier pour eux-mêmes, pour leurs parents, et d'accomplir leurs pratiques ordinaires de piété et de dévotion. Seulement, tout ce qu’il y a de satisfactoire dans les œuvres que l’on fait est appliqué et donné, par ce vœu, aux âmes du purgatoire. Les fruits de mérite et d’impétration nous restent toujours, le mérite ne pouvant se communiquer à autrui, et les fruits d’impétration pour nous ou pour les autres étant différents et indépendants du mérite satisfactoire.
Ne serait-ce pas contraire à la charité bien ordonnée ?
Puisque les peines du purgatoire sont un mal temporel (qui ne dure pas toujours), il est louable de le prendre sur soi, par amour pour le prochain ; en même temps nous nous aimons nous-mêmes mieux que le prochain, puisque, pour les biens éternels, nous nous préférons à tous les autres. Cet acte de charité envers les âmes du purgatoire est donc parfaitement conforme au véritable amour de Dieu et du prochain. De plus, il augmente en nous l’intensité de notre amour et la grandeur de nos mérites pour l’éternité, ce qui est beaucoup plus précieux que toute la rémission des peines temporelles qu’on pourrait obtenir dans cette vie.
Qui perd, gagne
Nous n’avons donc pas à craindre de nous causer du préjudice par cet acte de charité; au contraire, nous y gagnons : car a) si nous renonçons pour nous-mêmes au mérite satisfactoire, nous nous rendons dignes, par là, de l’amour particulier de la très sainte Trinité, de la très sainte Vierge Marie et de tous les saints, et nous méritons de ressentir les effets de cette promesse de Jésus-Christ : « On versera dans votre sein une mesure pleine et pressée jusqu’à déborder ». De plus, b) par cette donation, nous obligeons les âmes du purgatoire qui, arrivées au ciel, s’intéresseront à nous et feront en sorte soit que nous n’allions pas nous-mêmes en ce lieu d’expiation, soit que nous en soyons délivrés au plus tôt.
Jusqu'où va cet acte héroïque ?
Certains ont été jusqu'à faire à l’heure de la mort une donation écrite, par laquelle ils transféraient aux âmes du purgatoire toutes les messes qui seraient dites pour le repos de son âme, toutes les pénitences que l’on offrirait en sa faveur, et toutes les Indulgences qu'on gagnerait pour lui.
On ne remplirait pas les conditions de l'acte héroïque en se réservant à soi-même les Indulgences pour les vivants; mais, conformément à l’indult donné à ce sujet par lé Saint Père, ces Indulgences, elles aussi, doivent être appliquées aux défunts si l’on veut rester fidèle au pieux engagement qu’on a pris.
On demanda aussi à la Sacrée Congrégation : Ceux qui ont fait l’acte héroïque de charité peuvent-ils ou même doivent-ils appliquer aux âmes du purgatoire l’Indulgence plénière à l’article de la mort? La réponse de la Sacrée Congrégation, du 23 janvier 1901 fut, que la Congrégation ne veut plus parler de cette question. Cela reste donc libre.
Comment faire cet acte d'offrande ?
L'acte intérieur de notre volonté, l'offrande que nous faisons au fond de notre cœur suffit pour prendre cet engagement sans qu'il soit besoin de formule. En voici cependant une qui est en usage.
Formule de l'acte héroïque
Pour votre plus grande gloire, ô mon Dieu, pour imiter de plus près mon très doux Rédempteur, et pour montrer mon dévouement envers la très sainte Vierge Marie, qui s'intéresse tant aux âmes du purgatoire, moi N... je me propose de coopérer à la délivrance de ces pauvres captives de votre divine justice.
Dans la mesure qui m'est permise, ô Jésus, et sans m'engager sous peine de péché, je vous offre de bon cœur le vœu de m'employer à délivrer du purgatoire toutes les âmes dont la sainte Vierge désire la prompte délivrance. A cette fin je remets entre les mains de cette bonne Mère toutes mes œuvres satisfactoires et celles que d'autres pourraient m'appliquer durant ma vie, à ma mort, et après mon passage dans l'éternité.
Je vous prie, ô mon Dieu, d'agréer cette offrande pour votre gloire et le salut de mon âme. Et si mes œuvres satisfactoires ne suffisent point à acquitter les dettes des âmes que là sainte Vierge veut délivrer, ainsi que les miennes propres, contractées par mes péchés, je m'offre encore, si cela vous plaît ainsi, à payer ce qui manquera par les souffrances du purgatoire, m'abandonnant à votre infinie miséricorde et à la tendresse de Marie, ma bonne Mère.
Je prends à témoin de mon engagement tous les bienheureux du ciel et l'Eglise entière, militante sur la terre, et souffrante dans le purgatoire. N....
Nous appauvrissons-nous en travaillant pour les défunts ?
Devons-nous craindre, en nous dessaisissant ainsi des satisfactions que nous pouvons produire, d'aller contre nos intérêts ? Ce serait connaître bien peu la miséricorde et la bonté de Dieu qui, généreux déjà envers nous quand nous sommes ingrats ou égoïstes, sera d'autant plus généreux que nous l'aurons été nous-mêmes. Saint Ambroise assure que tout ce que nous donnons par charité aux âmes des défunts se change en grâces pour nous, et qu'après notre mort nous en recevrons la valeur au centuple. Ayons soin des intérêts de Dieu, et remettons-nous sur lui du soin des nôtres ; notre confiance ne sera pas trompée.
Témoignage de sainte Gertrude
Sainte Gertrude vit une fois dans le purgatoire une de ses religieuses qui était morte ; elle eut la connaissance que l'âme de cette religieuse recevait de grands soulagements et qu'elle ne resterait pas longtemps au séjour de l'expiation, parce que Dieu lui appliquait une large part des prières des fidèles, en considération du soin qu'elle avait eu elle-même pendant sa vie de prier pour les défunts.
Quand la même Sainte Gertrude fut sur le point de mourir, elle vit Notre-Seigneur s'approcher de son lit. « Pour te montrer, lui dit-il, combien m'est agréable la charité que tu as eue envers les âmes du purgatoire, je te remets dès à présent toutes les peines que tu devais y endurer ; et comme j'ai promis de rendre cent pour un, en outre de ce pardon, j'augmenterai libéralement ta gloire ; ce sera la récompense de cette charité qui t'a portée à renoncer au fruit satisfactoire de tes œuvres en faveur des âmes souffrantes. »
Comment concilier diverses obligations de charité ?
On pourrait faire encore une objection. C'est que nous sommes tenus de prier plus spécialement pour nos parents et nos bienfaiteurs que pour les autres chrétiens. Il faut considérer à propos de cela que la sainte Vierge connaît nos devoirs aussi bien que nous-mêmes ; voyant notre intention de procurer à Dieu la plus grande gloire possible, elle appliquera nos satisfactions à nos parents d'abord, puis à d'autres âmes selon que celles-ci l'auront plus au moins mérité devant Dieu.
Louis - 27/05/2021 11:57:02
Très bonne explication de l'exercice héroïque de charité. Il n'ya pas d'incompatibilité avec la vie normale du fervent croyant . Je suis au 27ème jour de la prière pour les âmes du purgatoire et cette explication m'a éclairé , pour ce mois que je passe avec nos amis, en purgatoire. Cordialement