Nous avons déjà consacré plusieurs articles pour expliquer l'importance de la prière du chapelet pour la vie chrétienne. Afin de vous encourager une nouvelle fois à la récitation quotidienne du chapelet, nous rappelons quelques grandes victoires ou bienfaits insignes dus au rosaire. Nous commençons par celle de Lépante, le 7 octobre 1571.
Le danger turc
Durant tout le XVIème siècle les Turcs n'ont pas cessé de menacer la chrétienté d'Occident principalement par voie maritime. Mis en échec devant Malte en 1565 par la défense plus qu'héroïque des chevaliers de l'ordre de Malte avec, à leur tête, le grand Maître Lavalette, ils ne continuèrent pas moins leurs offensives. L'Islam devenait toujours plus menaçant au point qu'en 1570 le pape saint Pie V, inquiet des formidables préparatifs du sultan, invite les princes chrétiens à se joindre à la sainte Ligue de résistance qu'il organise. Seuls les Espagnols, Venise et les différentes principautés italiennes répondent à l'appel du Pape. La division religieuse du protestantisme rend indifférente une bonne partie de l'Europe et la France est empêtrée dans son alliance avec le Turc.
Les ennemis en présence
C'est donc avec une infériorité numérique (120000 hommes de combat et rameurs pour les turcs, et 80000 pour la ligue) que Dom Juan d'Autriche, chef de la croisade, s'embarque. Les Turcs, trop confiants en leur supériorité, se voient déjà victorieux, et sur certains bateaux on commence déjà la fête. Leur trop grande confiance les amène à commettre la grave erreur de laisser la flotte chrétienne se positionner de telle manière que les turcs ne pouvaient plus profiter de leur avantage numérique en navires : 286 galères contre 208. Mais du côté chrétien, la conviction est autre : Don Juan exhorte ainsi ses hommes : "C'est par la volonté de Dieu que vous êtes venus ici. Ayez votre seule espérance dans le Dieu des armées !". Les acclamations lui répondent. Il serre d'innombrables mains et distribue une provision de médailles, de scapulaires, de rosaires. Il va au combat avec le médaillon de la vraie croix sous son armure. Pour autant la bataille n'est pas gagnée pour les croisés mais le pape veille et prie…,
Saint Pie V, l'âme de la croisade
Le Pape dominicain est l'âme de la croisade qui est officiellement proclamée à Rome le 25 mai 1570. Saint Pie V a choisi le chef, fait fleurir les prières des Quarante Heures et les processions, qu'il préside en personne. Dominicain, il est sans cesse l'homme du Rosaire popularisé par son ordre dans le sillage de saint Dominique. C'est sa sainteté qui, dans la familiarité divine, meut tout à ce moment décisif.
Jour de victoire
Par une prescience miraculeuse, il est favorisé de la nouvelle de la victoire de Lépante à l'instant même où elle est acquise à près de 1000 km de Rome. Ce 7 octobre, alors qu'il examine des comptes en présence de prélats, "tout à coup, comme mû par une impulsion invincible , il se lève, s'approche d'une fenêtre, l'ouvre, regarde l'Orient, demeure en contemplation, puis se retourne vers ses serviteurs, les yeux brillants encore de l'extase : « Ne nous occupons plus d'affaires, dit-il, mais allons remercier Dieu. L'armée chrétienne vient de remporter la victoire ». Il reçoit la confirmation de cette victoire dans la nuit du 24 octobre ; "il ordonna que tous les hôtes du Vatican fussent réveillés et le suivissent à sa chapelle afin d'y glorifier la munificence de Dieu. Le lendemain, Rome retentit des volées joyeuses de toutes les cloches, des acclamations enthousiastes de toute la foule et du chant du Te Deum."
Institution de la fête de Notre-Dame de la Victoire
Saint Pie V ne cacha point qu'il attribuait à l'intercession de la sainte Vierge le succès de Lépante. Il ajouta aux litanies de Lorette, c'est-à-dire de la sainte Vierge, l'invocation "Secours des chrétiens, priez pour nous", et fixa au 7 octobre une fête en l'honneur de Notre-Dame de la Victoire. C'est cette commémoration que Grégoire XIII, son successeur, transféra au premier dimanche d'octobre sous le vocable de solennité du Rosaire, et que Clément VIII étendit à l'Eglise universelle. Elle est fêtée de nos jours sous le nom de fête du Saint-Rosaire, de nouveau le 7 octobre.
Victoire obtenue grâce au Rosaire
Pour la victoire de Lépante on peut toujours avancer des causes naturelles : présomption des Turcs, qui a permis un gros succès tactique dès le départ, supériorité en arme à feu des chrétiens ; les qualités hors pairs du chef des croisés, don Juan d'Autriche, malgré son jeune âge, 25 ans ; la valeur exceptionnelle de ses chefs d'escadres comme Doria et Santa-Cruz ; la supériorité morale des soldats chrétiens, hommes libres alors que beaucoup de combattants turcs furent enrôlés de force et la grande partie des rameurs étaient des esclaves chrétiens. Justement le Ciel s'est servi de ces concours de circonstances pour donner la victoire aux chrétiens. La chrétienté attribua avec raison la victoire à Notre-Dame du Rosaire ; elle a vu dans le changement du vent qui devient favorable aux chrétiens au début de la bataille, comme un signe visible de la protection du Ciel. Cette conviction fut bien ancrée dans les esprits puisqu'à la suite de cette victoire maritime, l'une des plus grandes batailles navales de l'histoire, la dévotion au Rosaire connut rapidement un grand essor et les confréries se multiplièrent.
Lépante une leçon pour prier fidèlement notre chapelet
De nos jours, le combat est plus spirituel que militaire et dépasse les forces humaines. Nous devons donc recourir avec plus de raisons encore à Notre-Dame du Rosaire, à la prière du chapelet. La victoire de Lépante nous donne confiance que Dieu n'abandonne pas les siens.