Dans un article précédent nous avons vu que l'authenticité de la Grande Promesse ou de la promesse des neuf premiers vendredis du mois, ne pouvait pas être mise raisonnablement en doute, nous abordons maintenant son explication.
Le texte se divise naturellement en deux parties, dont la première s’arrête aux mots la grâce finale de la pénitence. Cette partie est évidemment la principale, et nous nous y attacherons davantage.
Nous tâcherons ensuite d’éclaircir en peu de mots la suite du texte, d’où se tirent parfois des difficultés et des objections.
Je te promets, dans l’excessive miséricorde de mon Cœur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront neuf premiers vendredis du mois tout de suite la grâce finale de la pénitence.
Avant d'expliquer le sens de cette promesse, ce que nous ferons dans un autre article, attachons nous pour le moment à écarter d'abord les fausses explications.
La Grande Promesse n'est qu'un stimulant à la vertu
Les uns ont concentré toute leur attention sur la pratique recommandée. Neuf communions mensuelles, en l’honneur du Cœur miséricordieux de Jésus, dictées par l’ardent désir de vivre en son amour et de mourir en sa grâce, avec tous les efforts, tous les sacrifices qu’elles imposent, et les autres actes de piété qui en sont l’accompagnement nécessaire ou naturel, voilà bien assez pour rompre avec de mauvaises habitudes, réduire les passions, créer une volonté forte et libre, et faire descendre des grâces abondantes dans une âme toute disposée à une généreuse coopération. Quelle cure spirituelle! Que ne promet-elle pas pour l’avenir, et même pour l’heure décisive de la mort !
Une Grande Promesse du Sacré-Coeur de Jésus qui s'évanouit
Pour vraies que soient ces considérations, elles ne sauraient évidemment être acceptées comme une explication suffisante de la promesse. Ne le remarque-t-on pas? Celle-ci disparaît. Notre-Seigneur, après avoir conseillé l'exercice, a tout dit; sa promesse n’y ajoute aucune efficacité nouvelle; sans vertu assignable, elle n’a qu’un rôle apparent et se trouve virtuellement annulée.
La Grande Promesse ne serait-elle valable que si l'âme n'a pas démérité ?
D’autres, comme effrayés de l’immensité de la faveur, semblent éprouver le besoin de l’atténuer. Ils recourent dans ce but, à des sous-entendus. Assurément, observent-ils, Notre-Seigneur ne demande, en termes exprès, que neuf communions. Mais II suppose tacitement qu’aucun péché postérieur ne fasse démériter de Lui, et surtout, qu’aucune présomption ne rende indigne du privilège. Non seulement pendant la neuvaine des communions, mais même après l’avoir accomplie dans les meilleures dispositions, le fidèle risque toujours, suivant eux, de perdre par sa fragilité ou une témérité imprévue le fruit de ses efforts antérieurs. Si Notre-Seigneur est prêt de son côté à accorder une grâce de pénitence finale, Il ne la promet pas efficace pour tous ceux qui auront fait les premiers vendredis : Il ne leur donne aucune assurance contre eux-mêmes.
Une Grande promesse limitée par les hommes
Qu'est-ce à dire, pour parler net? C’est que, indépendamment de la manière de pratiquer la neuvaine des communions, l’effet de la promesse est subordonné à des conditions nouvelles, non exprimées par la Sainte. C’est que les communions du premier vendredi me vaudront des secours plus abondants pour bien vivre et persévérer, sans qu’ils doivent être ceux-là mêmes avec lesquels Dieu sait qu’en réalité je vivrai bien ou finirai par me convertir. Les chances de salut sont augmentées, mais rien de plus.
Ramener la grandeur de l'amour divin à la petitesse de l'amour humain
Qui ne voit l'opposition littérale de ce langage avec celui de la Sainte? Là où elle dit « A tous ceux qui communieront... la grâce finale de la pénitence » ces interprètes en exceptent un grand nombre; quand, pour confirmer son dire, elle ajoute : « Ils ne mourront point en ma disgrâce », eux introduisent ce complément : « Ils ne mourront point en ma disgrâce, si, bien entendu, ils ne l’ont pas encourue pendant leur vie. Mais sont-ils tombés, fût-ce par faiblesse humaine, ils peuvent sans doute fonder sur leurs communions du premier vendredi un espoir plus grand de conversion sincère, mais ils n'ont plus aucune assurance. »
Qui ne voit aussi, qu’une conclusion aussi modeste cadre peu avec la magnificence des expressions? Ce résultat dépasse-t-il encore les fruits naturellement attendus d’un si long entraînement à la ferveur? Faut-il parler, à ce propos, d’une excessive miséricorde et d’un triomphe de l’amour? Et la promesse, si elle n’est pas entièrement supprimée, ne disparaît-elle pas comme spéciale, puisque des grâces abondantes sont promises à tant d’autres formes de la piété, surtout envers le Sacré Cœur?
On conviendra qu’il faut des raisons péremptoires pour commander tant de réserve. Lesquelles apporte-t-on?
La Grande Promesse et le Scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel
En comparant cette 12ème promesse du Sacré-Coeur avec les promesses attachées au port du scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel, certaines personnes pensent que pour bénéficier de la Grande Promesse il faut persévérer jusqu'à la mort sans présomption ni témérité. Mais c'est faire violence au texte, car d'après les termes employés par sainte Marguerite-Marie, la promesse de Notre-Seigneur n'est subordonnée à aucune pratique de durée indéfinie, à la différence du port du scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel. Le scapulaire doit être porté jusqu'à la mort, sans esprit de superstition ; le fidèle qui, portant le scapulaire à la manière d'un talisman, prétendrait s'en faire un titre pour pécher sans crainte et sans remords, cesserait de satisfaire aux conditions requises. Longtemps même avant la mort, le fidèle peut avoir pleinement satisfait à toutes les conditions de la Grande Promesse. Une fois les 9 communions reçues, en état de grâce, avec piété et pureté d'intention, chaque premier vendredi du mois, il ne perdrait pas pour autant le bénéfice des promesses s'il s'adonnait au mal d'une manière effrénée. Voilà ce qui fait la spécialité et l'excellence de la Grande Promesse.
Certains théologiens, pour limiter d'une manière indue la portée de cette promesse invoque une double nécessité, celle de ne pas compromettre la doctrine de l'Eglise sur l'incertitude du salut, et celle de ne pas favoriser de téméraires présomptions. Nous répondrons à ces deux difficultés dans l'article où nous expliquerons le sens exacte de cette Grande Promesse jaillie du Coeur très aimant et miséricordieux de Jésus.