On parle d'objets religieux, d'objets de piété et, un peu moins, d'objets de dévotion. Mais quel est le sens exact de ce mot dévotion ? Cet article nous permettra de redécouvrir toute la richesse originelle de ce mot pour notre plus grand bien spirituel.
Dévotion dans la liturgie
Ce mot dévotion, qui vient du paganisme, comme nous l'avons écrit dans un article précédent, fut repris par le christianisme et s'appuie évidemment sur le sens primitif de ce mot. Dés lors que ce terme avait été utilisé pour signifier certains actes rituels dont parlait la sainte Ecriture, et qui n'étaient pas sans analogies avec la dévotion antique, très rapidement il fut employé dans la liturgie. Le mot dévotion ira jusqu'à avoir le sens de sacrifice eucharistique comme l'atteste le sacramentaire léonien et le sacramentaire gélasien. Ainsi quand nous rencontrons dans certaines oraisons de la messe le mot dévotion, rappelons-nous cet usage.
Office des Vêpres à l'Abbaye saint Joseph de Clairval
La dévotion comme service de Dieu
Mais un autre sens du mot dévotion apparaîtra très rapidement, la dévotion comme service de Dieu. Cela pouvait signifier :
- l'acte intérieur de la volonté qui se donne à Dieu avec générosité et ferveur,
- les dispositions habituelles qui correspondent à ce don et maintiennent l'âme dans cette volonté de demeurer d'une manière permanente au service de Dieu.
Une telle dévotion, même si elle porte à accomplir des actes extérieurs est d'abord intérieure. Fondée sur la foi, elle trouve sa source principale dans la charité, au point de s'identifier parfois avec elle, car le service de Dieu, dans l'économie chrétienne, ne peut procéder que de l'amour.
Ce service est une obéissance totale et inconditionnelle à Dieu, elle est aussi liée inséparablement à la fidélité ; elle peut s'entendre aussi par rapport au Christ.
La dévotion est, avec le respect et la révérence, l'attitude fondamentale de la créature en face de son Créateur, et cette disposition, qui incline d'ailleurs l'homme à réfréner ses passions, habitait dans son coeur avant même que la loi fut promulguée. Le dévot est donc celui qui s'est consacré au service de Dieu et que Dieu dès lors ne méprise ni de dédaigne. Ce sens du dévot sera conservé jusqu'à saint François de Sales.
La dévotion comme disposition intérieure
A partir de ce sens du mot dévotion hérité de l'antiquité, le Moyen-Age va élargir et approfondir cette notion dans ses aspects intérieurs et psychologiques. Ainsi le mot dévotion désignera de plus en plus fréquemment les sentiments intérieurs de foi, de piété, et surtout de ferveur qui s'éveillent, non seulement dans la célébration de la prière ou des rites liturgiques, mais dans toute prière quelle qu'elle soit. Cet élargissement du sens intérieur s'explique bien dans la mesure où l'on se souvient que la prière privée, notamment dans la tradition monastique, est toujours comprise comme un prolongement de la prière liturgique.
La dévotion, ferveur de l'âme
La dévotion devient alors l'attitude fondamentale de l'être devant Dieu ; pour les cisterciens se mot revêt un sens encore plus précis en signifiant la ferveur de l'âme embrasée par le feu de la charité. Pour d'autres auteurs spirituels, les Victorins, la dévotion est la conversion vers Dieu par une affection pieuse et humble, appuyée sur les vertus théologales de foi, d'espérance et de charité. Cette ferveur de la dévotion, qui est un don de Dieu, sans s'identifier à la contemplation, reste le plus sûr moyen d'y parvenir.
Saint Thomas d'Aquin et la dévotion
Saint Thomas d'Aquin (XIIIème s.) s'éloigne de la notion communément admise par la plupart des auteurs de son temps. Pour lui la dévotion n'est point une disposition habituelle, mais l'acte intérieur de la vertu de religion, qui est distinct de l'oraison, et par lequel l'être se consacre au service de Dieu. Cette conception de ce grand docteur de l'Eglise mérite un développement à part.
La dévotion moderne (devotio moderna)
Elle est un idéal spirituel qui naquit au XIVème en région flamande. Dans cette expression le mot dévotion conserve le sens général de service de Dieu mais conçu d'une manière différente.
Ces spirituels flamands veulent rétablir la sainteté de la vie religieuse en recherchant les dons les meilleurs (cf 1 cor, 12, 31),qui sont les plus enracinés dans la charité. Ainsi il faut privilégier toutes les activités qui font croître cette intensité de charité, ou qui y sont ordonnées. Par conséquent l'on mettra désormais l'accent sur la prière ou l'oraison du coeur et de l'esprit, plus apte à exciter la ferveur que la prière vocale ou même la prière liturgique. Les offices seront donc moins longs, une place plus grande sera faite à la méditation et à l'oraison. Par là, cette dévotion qui se dit moderne, se rapproche, par l'accent donné à la ferveur et aux affections du coeur, de certains médiévaux comme saint Bernard, les Victorins (déjà cités) et saint Bonaventure. Dans le succès de la dévotion moderne une grande place doit être donnée au fameux livre "L'imitation de Jésus-Christ". Avec le XVIème qui vit naître l'ordre des Jésuites, la dévotion moderne se répandit de plus en plus.
Dévotion intérieure et la prière vocale
Il ne s'agit pas de faire une opposition entre ces deux manières de comprendre la dévotion, entre l'oraison mentale et la prière liturgique, mais de garder les deux de façon à ce qu'il y ait un enrichissement réciproque. Cette distinction entre la prière vocale et la prière mentale, ne doit pas aboutir à une exclusion mais à une harmonisation de ces deux dimensions.
La dévotion face aux libertins
Mais depuis le XVIIème, avec la rivalité entre dévot et libertin, les mots dévotion, dévot sont pris souvent en mauvaise part, synonyme de fausse dévotion, hypocrisie. Depuis, ils n'ont jamais retrouvé leur sens originel lié à cette ferveur de la charité que saint François de Sales décrit si bien de la manière suivante : "agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous ou nous par elle" (introduction à la vi dévote, 1° p., ch. 1).
Même si cette connotation péjorative semble devenue inhérente au mot dévotion, nous pouvons quant à nous, revenir à la richesse positive de ce mot pour le bien de notre vie spirituelle. Quand, dans la liturgie nous trouvons ce mot, souvent employé dans les oraisons, il devrait nous évoquer toute la réalité spirituelle qui se cache derrière.
Dans l'emploi de l'expression objets de dévotion, rappelée au début de l'article, le mot dévotion est à comprendre, bien évidemment, dans son sens positif décrit plus haut. Cette expression met en valeur un rapport de causalité en ce que les objets religieux doivent faire naître ou causer en nous la dévotion. Ainsi la contemplation d'une belle icône religieuse, d'une statue de Marie ou d'un crucifix, par exemple, nourrit ces dispositions intérieures propres à la dévotion, la ferveur de charité, le zèle pour le service de Dieu.
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