La Jérusalem céleste
A l'arrière pan de la scène principale, celle de l'Agneau, se trouve des édifices, des tours qui symbolisent la Jérusalem céleste, notre demeure définitive à laquelle nous sommes appelés et à laquelle nous ne pouvons parvenir que si nous participons au banquet de l'Agneau pascal : "C'est moi qui suis le pain vivant descendu du ciel : si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement" (St Jean, ch. 6, v. 51).
Ce mélange de bleu et de vert de l'arrière plan, qui va se perdre dans la lumière, donne un aspect de mystère et d'infini : tout là-haut, il y a la Lumière incréée, les splendeurs du Ciel trop lumineuses pour nos yeux terrestres.
Les confesseurs de la foi et les Vierges qui suivent l'Agneau
Maintenant si nous remontons d'un plan, nous arrivons à l'arrière-cène où se trouvent de groupes de personnages qui s'avancent les palmes à la main. Ce sont les confesseurs à gauche et les saintes à droite.
Le groupe des confesseurs
Par les différentes coiffures on distingue les différents états de vie. La tiare définit trois papes ; deux chapeaux rouges pour les cardinaux ; onze mitres pour les évêques. La tonsure distingue les moines et les religieux, et les laïcs sont reconnaissables par leur chevelure non coupée.
Le groupe des Vierges
Les femmes, à droite, ne peuvent pas se distinguer selon une hiérarchie sacerdotale. Elles portent toutes une couronne de fleurs rouge, bleue ou tricolore. Parmi ces femmes nous pouvons en reconnaitre certaines à cause des attributs traditionnels que l'on retrouve très souvent dans l'iconographie : ainsi Agnès est reconnaissable par l'agneau qu'elle pote dans les pis de sa robe ; la tour désigne sainte Barbara ; au premier plan la corbeille de fruits révèle sainte Dorothée ; vers la droite du groupe de femmes la flèche nous permet d'identifier sainte Ursule.
Chacun des groupes sont entourés de bosquets couverts de fleurs, et beaucoup plus du côté des femmes. On y retrouve les différentes espèces qui ornent la couronne de la très sainte Vierge Marie.
L'avant-scène : l'Ancien et le Nouveau testament
Comme l'arrière scène, l'avant-scène est composé de deux groupes bien séparés mais avec une certaine symétrie par la présence de ces personnages à genoux au premier rang de chaque groupe.
Les Apôtres du Christ et des pontifes martyrs ?
Les personnages à genoux devant le groupe de droite, sans ornement, habillés seulement d'une toile grise, représentent les Apôtres, prince de l'Eglise, fondements de la cité céleste. Le seul qui n'a pas de barbe est saint Jean. Juste derrière lui on peut remarquer un personnage tonsuré, aussi sans barbe, la main ouverte. Ne serait-ce pas saint Thomas d'Aquin ? Derrière le groupe des Apôtres se trouvent un ensemble de personnages, des confesseurs, dont un pourrait être identifié ; il s'agit du souverain pontife qui tient un livre ouvert sur une partition grégorienne : saint Grégoire le Grand. Mais cette identification n'est valable que si on refuse de voir dans les ornements rouges la gloire du martyre. Cela peut tout à fait s'expliquer puisque nous avons déjà en haut à gauche des pontifes.
Parmi ces évêques, il y en a un qui attire l'attention par ce qu'il tient en main : une paire de tenaille avec au bout sa langue arrachée ! C'est ce qui est arrivé à saint Livin, patron de Gand, martyrisé vers 657. Cette identification est très probable car c'est pour une église de cette ville que le polyptyque a été réalisé.
La finesse et le réalisme de la réalisation se remarquent particulièrement au niveau des pieds nus des Apôtres dont les plantes sont racornies, usées, légèrement bleuies par les aspérités du chemin. Les apôtres sont des messagers, des envoyés du Fils pour propager la Bonne Nouvelle du Salut éternel.
Les Prophètes de l'Ancien Testament
La foule en vis à vis est plus bigarrée, moins uniforme ; tous barbus sauf un ; ils portent pratiquement tous des chapeaux dont aucune se ressemble. Dans cette diversité certains ont voulu reconnaitre les différentes nations, ou selon une autre interprétation les juifs dispersés à travers toute la terre. Dans ce cas, les douze à genoux qui tiennent un livre sont les douze petits prophètes : ils fixent du regard, l'Agneau, ils contemplent la réalisation de leurs prophéties ; et les quatre grands, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel, les quatre personnages debout, au premier plan du groupe, habillés en rouge, vert, bleu et blanc.
Symbolismes juifs dans le retable
Mais, au niveau de l'histoire personnelle, ce groupe manifeste que les frères Van Eyck avaient une connaissance de la liturgie juive, qui se remarque aussi à d'autres endroits du polyptyque :
- Sur le carrelage des anges (dans la partie supérieure des volets droit et gauche) on peut lire ces quatre lettres "AGLA" qui est un acronyme hébreux de la phrase "Atta gibor léolam Adonaï" qui signifie "Tu es fort à jamais, Seigneur".
- autre signe de cette familiarité : les quatre grands prophètes tiennent chacun dans leur main l'une des quatre espèces végétales utilisées dans le rituel de la fête des Tentes : dattier, cédratier, myrte et saule.
Cet avant-cène représente donc à gauche l'Ancien Testament, à droite le Nouveau. C'est une affirmation de foi qui affirme l'unité entre l'Ancien et le Nouveau Testament : "Le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien, alors que l'Ancien est dévoilé dans le Nouveau". (cf CEC, N° 129)
Pour une vue d'ensemble du retable : Polyptyque de l'Agneau mystique ouvert