Si l'eau bénite, telle que nous la connaissons dans l'Eglise catholique, est bien spécifique à notre religion, nous trouvons dans l'antiquité et dans les siècles qui ont précédé la naissance du Christ Sauveur, des images et similitudes, notamment chez le peuple juif.
L'eau à l'origine du monde
On peut affirmer que l'eau bénite ou sanctifiée est aussi vieille que le monde, car nous lisons au chapitre 1, v. 2 du livre de la Genèse : "L'Esprit de Dieu était porté sur les eaux", parole bien mystérieuse. Cet Esprit, on l'identifie au Saint-Esprit. Que faisait ce divin Esprit, alors qu'il planait sur les eaux primitives ? Il les bénissait, et, en les bénissant, il leur communiquait la vertu de produire les merveilleuses, les innombrables créatures dont nous sommes environnés.
L'eau dans la loi mosaïque
Moïse descend de la montagne, portant le plus magnifique présent que le Seigneur eût jamais fait à son peuple : les deux tables de la Loi. Afin de recevoir cette loi sainte, le peuple choisi doit être sanctifié. Dans ce but, Moïse fait de l'eau, qu'il mêle au sang des victimes, et il en asperge le peuple : Accipiens sanguinem... cum qua... omnem populum aspersit. Hebr. ix, 19. Cette eau est-elle sanctifiée ou bénite ? Il est difficile de le dire. En tout cas elle symbolise et signifie l'eau bénite de la Nouvelle Alliance, comme les cérémonies de la loi mosaïque sont une figure du culte chrétien.
Purifier par l'eau les hommes et les choses de toutes les souillures légales, devint dans l'ancienne loi une institution permanente. Mais une créature purement matérielle ne saurait produire un effet moral. Cette eau de purification était donc d'une certaine manière une eau sanctifiée : c'était de l'eau bénite. L'usage revient sans cesse dans les prescriptions mosaïques. Levit., XI, 28, 40; XIV, 51, etc
Quelque chose de plus remarquable. Moïse doit consacrer prêtres, Aaron et les fils d'Aaron. Afin de les rendre dignes de leur consécration, Dieu ordonne à Moïse de les purifier par l'eau. Ce n'est qu'après cette sanctification, qu'ils seront admis à recevoir ornements sacrés et Fonction sacerdotale. (cf Exod., XXIX, 4 et suiv. ; XXX, 18 et suiv.)
Ainsi, l'eau comme signe de bénédiction et de sanctification fut connue et employée dans toute l'antiquité judaïque.
L'eau lustrale dans le monde païen
L'usage de l'eau lustrale, ou prétendue bénite, devint si commun dans la civilisation païenne, que le protestantisme en a pris occasion d'accuser l'Église d'idolâtrie. L'eau bénite de l'Église romaine, a-t-il dit, n'est que l'eau lustrale des païens. Le protestantisme oublie que l'eau bénite est antérieure à l'eau lustrale ; que l'Église n'a fait que continuer, en l'ennoblissant, la tradition mosaïque, et reprendre au paganisme ce qu'il lui avait volé ; dans les religions païennes se trouvaient un certain nombre d'éléments, plus ou moins déformés, qui provenaient de la religion primitive. Les païens faisaient, pour se purifier, un usage habituel de leur eau lustrale, contrefaçon de l'eau bénite.
Dans la civilisation grecque
Dans Homère, Hector n'ose pas faire des libations de vin à Jupiter, parce qu'il n'est pas permis de prier avec des mains ensanglantées. Ajax, Ulysse, Achille, Priam, se lavent les mains avant de répandre du vin en l'honneur du maître des dieux et de lui adresser leurs prières.
Hérodote, parlant des prêtres égyptiens, témoigne de leur religieuse fidélité à cet usage. « Chaque jour, dit-il, ils se purifient dans l'eau froide, trois fois le jour et deux fois la nuit.»
Dans le monde latin
Plaute fait dire à Buclion . « Je me laverai afin d'offrir aux dieux mes prières et mes sacrifices. » Ovide déclare qu'Alcméon s'est purifié par la vertu et par l'eau.
Tertulien, chrétien du IIIe s., en parlant des païens dit :« Par elle ils croient se régénérer et obtenir l'impunité de leurs parjures. Chez eux, autrefois, quiconque s'était rendu coupable d'homicide, s'en purifiait par l'eau d'expiation.»
Ce très rapide parcourt de l'usage de l'eau et de son caractère plus ou moins sacré dans les siècles qui précédèrent la venue du Sauveur, montre que cette pratique de l'eau bénite dans l'Eglise catholique n'est en quelque sorte qu'une christianisation d'une réalité antique, et la réalisation d'un signe présent dans les rites de la loi mosaïque.
"Elle participe ainsi a l'ennoblissement général de toutes les institutions immortelles de la loi figurative (loi de Moïse). Elle devient plus sainte et plus efficace. Le premier à faire de l'eau bénite, c'est le Rédempteur lui-même. Nous verrons cela dans un prochain article.