La croix est au centre de la religion catholique ; il est donc normal de la retrouver d'une manière ou d'une autre dans les églises. Regardons un peu comment nos aïeux, constructeurs des cathédrales, ont-ils placé le crucifix dans les églises comme expression de leur foi et de leur amour.
Le crucifix dans le plan de l'Eglise
Dans la plupart des plans d'églises du moyen âge, du XIème au XIVème siècle, on observe que l'axe de la nef et celui du choeur forment une ligne brisée au transept. Cette inclinaison ne se remarque peut-être pas mais elle est bien réelle. Que voulaient les artistes de ces temps héroïques en bâtissant leurs cathédrales? Elever un temple où pût se renouveler le digne sacrifice de la Messe, mémorial vivant du sacrifice du calvaire ; ils voulaient plus encore : par la structure même de leur édifice, ils prétendaient rappeler la Victime du Golgotha, attachée sur la croix. La croix est sur le sol, immense ; la grande nef et le transept représentent le corps et les bras étendus. Le maître-autel où se fait chaque jour l'oblation sainte, représente la tête auguste du Dieu immolé : et ces chapelles rayonnantes autour de l'abside, c'est la couronne glorieuse qui ceint le front du Sauveur du monde. Mais, avant de mourir, nous dit l'Evangéliste saint, Jésus inclina la tête. Sacrifiant peut-être à l'esthétique et le coup d'oeil à sa foi chrétienne et à son idéal religieux, le constructeur des cathédrales a volontairement incliné le choeur sur le bras du transept, la tête vers l'épaule.
La Cathédrale de Quimper est l'édifice où cette inclinaison est la plus prononcée comme vous pouvez le voir sur le plan ci-dessus.
L'intérieur de la cathédrale de saint Corentin de Quimper : la déviation est très visible
Rivalisant d'une certaine manière avec ce crucifix colossal, la sculpture taillait dans la pierre ou le bois l'image du Crucifié, et la plaçait partout où elle pouvait être vue et vénérée.
Eglise saint Pierre à Bordeaux avec de multiples croix sur la façade
Le crucifix sur l'autel
Longtemps le prêtre, durant la messe, n'avait eu devant lui, sur la pierre nue et sans gradin qu'une image symbolique, le chrisme, ou encore un agneau au pied d'une croix. A l'origine de cette représentation symbolique était le souci d'éviter tout ce qui pouvait rappeler l'idolâtrie de la religion païenne.
Plus tard la croix suspendue tint lieu de crucifix sur l'autel. Après l'époque carolingienne le crucifix suspendu disparait et fait place à la croix processionnelle qu'on attachait à l'autel.
Vers le XIIème siècle, de véritables crucifix, munis de pied, apparaissent sur l'autel.
Au XIVème siècle, les croix d'autel prennent une importance et une dimension considérables. Elles n'y sont plus placées pour quelques heures seulement, durant la célébration du sacrifice de la Messe, mais elles y sont à poste fixe. Ce ne sont plus ces croix minuscules que la piété des prêtres introduit sur l'autel à la fin du XIIème siècle. Ce sont de grands crucifix de plus d'un mètre de haut : souvent ils sont en bois, ornés de peintures et dorures. Et pour qu'ils frappent les yeux des fidèles, aussi bien que ceux du prêtre, ils sont élevés sur des degrés, en attendant qu'à un âge postérieur, ils soient admis à trôner sur le tabernacle lui-même.
Autel à l'abbaye Saint-Joseph-de-Clairval : le crucifix se trouve sur le tabernacle
Cette croix sur l'autel aura si bien conquis sa place qu'il viendra un jour où la rubrique ordonnera au prêtre de ne point prononcer, à l'autel, le nom de Jésus, sans incliner la tête avec respect en se tournant vers la croix où est cloué Jésus. Cette rubrique disparaîtra sous Jean XXIII.
Le crucifix à l'arc triomphal
Mais pour nos ancêtres ce crucifix sur l'autel n'était pas suffisant, il fallait que le crucifix apparaisse aux regards des fidèles dès son entrée dans le lieu saint
C'est pour cette raison que le jubé, ou ambon, fut surmonté du Christ en croix, ayant à ses côtés la Vierge et saint Jean (cf 19, 25-27). Dans beaucoup d'églises, ce crucifix du jubé était suspendu dans les airs par trois chaînes, attachées, l'une à la partie supérieure, les deux autres aux bras de la croix, et fixées par des anneaux de fer à l'arcade supérieure qui, dans nos vieux édifices romans, s'appelait l'arc triomphal. Presque partout, ces jubés ont disparu et du même coup le Christ qui était comme triomphant a une place d'honneur, fut relégué dans l'ombre, généralement dans une chapelle latérale. Dans ce jubé surmonté d'un crucifix était exprimé le triomphe de Jésus orné d'or éclatant et de pierreries scintillantes.
Même si à l'origine le jubé n'avait pas pour fonction de supporter un crucifix on peut regretter la disparition de ces galeries aériennes, lancées d'un pilier à un autre, gracieux portiques placés à l'entrée du choeur, qui, loin de briser la perspective, la prolongeaient, en paraissant l'arrêter, et ajoutaient un charme mystérieux à la pompe des cérémonies, en ne les laissant apercevoir qu'à travers ses sculptures et ses colonnettes.
Collégiale de saint Pierre de louvain : le Jubé
Collégiale de saint Pierre de Louvain : la nef et le jubé au loin.
Gros plan sur le crucifix du jubé
Avec la réforme liturgique et les autels face au peuple, les anciennes dispositions qu'avaient le crucifix réapparaissent.
Le crucifix au portail des églises
Le crucifix placé sur l'autel et à l'arc triomphal n'est pas suffisant pour nos aïeux, il faut encore que le sculpteur chrétien le taille à l'extérieur, au pignon du monument, aux croisées, sur le portail.
Ainsi dès le commencement du XIème siècle, le Christ crucifié, le front ceint d'un nimbe, a été sculpté au pignon de l'église du prieuré de Montmille près de Beauvais.
Sur le fameux portail de Reims on retrouve toute une scène du crucifiement qui date du XIVème siècle.
La façade de la cathédrale de Reims : à gauche la scène du crucifiement
Gros plan sur la la scène du crucifiement
Le crucifix dans les trésors
Au Moyen-Âge qui était une époque de foi, chaque cathédrale, collégiale ou abbaye avait son trésor, fruit de la piété chrétienne et de la munificence royale ou princière. On y puisait, aux jours de fête, un surcroît de pompe et de splendeur. Là abondaient les reliquaires précieux, les vierges, les crucifix. Pour embellir ces objets d'art, la sculpture chrétienne faisait alors appel à l'orfèvrerie.
Si une grande partie de ces trésors ont disparu, leur inventaire nous donne une idée de leurs richesses. Ces trésors regorgeaient de crucifix incrustés de pierreries les plus rares dans l'or et l'argent. Ils étaient parfois d'or massif et le Christ était fixé à la croix par des rubis.
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