La photographie a permis de faire connaître dans le monde entier les chefs d'oeuvre de la peinture. Mais celle-ci autant perfectionnée soit-elle ne transmet pas toute la richesse de vie, de sentiments que l'on peut découvrir en contemplant l'oeuvre originale. C'est bien le cas pour le retable des frères Van Eyck, qui offre à celui qui le regarde, un éblouissement, une symphonie de couleurs que la photo affadie.
l'Agneau mystique, oeuvre charnière
Le retable de l'Agneau mystique est à la charnière entre deux mondes, celui de l'art gothique à son sommet et celui de la modernité en peinture.
L'agneau Mystique fait partie des premières peintures à l'huile en remplacement de la peinture à la détrempe à l'oeuf. Celle-ci est trop épaisse, trop opaque pour permettre la superposition des couches. Par contre la peinture à l'huile permet des nuances inégalées. Sa transparence autorise le travail en glacis qui consiste à superposer de fines couches diaphanes pour approfondir ou moduler une valeur. Les frères Van Eyck ne sont pas les inventeurs de la peinture à l'huile mais ils ont découvert un diluant, un extrait de mélèze (le baume de térébenthine de Venise) qui conserve une parfaite translucidité et qui évite l'embu, c'est-à-dire l'absorption de l'huile par le support qui finit par matifier et ternir les couleurs.
Qualité de la peinture à huile
Cette technique de glacis offre d'immenses possibilités, surtout si on a la patience d'attendre le séchage complet de la couche précédente avant d'appliquer la suivante. Ceci peut expliquer les 12 ans qu'il a fallu aux frère Van Eyck pour réaliser ce chef d'oeuvre. Ainsi se comprend mieux le réalisme époustouflant que permet la peinture à huile. Cette puissance de réalisme offert par la méthode du glacis permet la représentation de tous les genres, de tous les arts : architecture, joaillerie, ébénisterie, les costumes, la richesse de la nature. Dans le retable des frère Van Eyck nous retrouvons ainsi un peu tous les genres : le portrait, la nature morte, le paysage, la cène biblique, etc.. Le retable récapitule en lui tous les savoir-faire pour les offrir en union avec le sacrifice de l'agneau. Le retable est à la peinture ce que la Somme théologique de saint Thomas est à la science sacrée.
Préparation des panneaux du retable
Une autre chose qui frappe est l'aspect lisse et poli des différents panneaux. Cette caractéristique est due à la préparation du support. Les frères Van Eyck ont longuement préparé les panneaux de chêne :
- six couches de colle
- le panneau est ensuite marouflé d'une toile
- huit couches d'enduit ; chaque couche est raclée puis polie avec soin.
Après un tel traitement les panneaux possèdent le poli de l'ivoire ou du marbre et sont d'une blancheur tel que tout le blanc du retable proviend du support sans aucun ajout d'une couleur blanche. Cette particularité était un vrai défi pour les frères Van Eyck, car ils ne pouvaient pas éclaircir une couleur par l'ajout de blanc. Il fallait donc être sûr de son coup.
Dans de prochains articles nous décriront en détail les différentes cènes représentées.
