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Les livres Carolins et leur influence sur le culte des images

Charlemagne et le Pape Adrien 1er

Charlemagne et le Pape Adrien 1er

Dans un précédent article consacré à l'hérésie iconoclaste nous avons évoqué très rapidement les livres Carolins, qui sont un élément clé de la part prise par l'occident dans la querelle iconoclaste.

Origine des livres Carolins

Après le 7ème concile oecuménique à Nicée, qui a vu la victoire de l'orthodoxie sur l'hérésie iconoclaste, le pape Adrien 1er fit faire une traduction latine des actes de ce concile et il en envoya un exemplaire à Charlemagne. Malheureusement cette traduction était très mauvaise car le traducteur avait traduit mot à mot, de telle manière qu'on ne pouvait pas comprendre ce qu'il voulait dire. Vers 790 Charlemagne demanda au Pape de revoir cette traduction et pour cela il lui remit un capitulaire, un livre d'assez fort volume, contre le 7ème concile oecuménique ou 2ème concile de Nicée. C'est ce travail qui a gardé dans l'histoire le titre de "Libri Carolini" (Livres Carolins ou Livres de Charlemagne).

Les protestants et les livres Carolins

Depuis longtemps on connaissait l'existence de ces livres, mais on ne possédait aucun texte. Heureusement un savant prêtre, Jean du Tillet, devenu plus tard évêque de Saint-Brieuc retrouva cet ouvrage et le réimprima en 1549.

Aussitôt des protestants utilisèrent les livres Carolins pour attaquer la vénération que l'Eglise catholique rendait aux images. Aussi cette édition fut mise à l'index. Mais les protestants prirent à leur compte cet ouvrage et le rééditèrent plusieurs fois à Francfort, Hanovre.

Auteurs des livres carolins

Si Charlemagne n'est pas l'auteur direct de ces livres, il a patronné leur rédaction. Ce patronage est bien indiqué au début des livres, car l'auteur désigne plusieurs fois le roi Pépin comme son père. Pour autant l'empereur n'en est pas l'auteur puisque les Livres Carolins supposent une science théologique, une connaissance des langues grecques et hébraïques que Charlemagne n'avait pas, même s'il a composé quelques traités de théologie. On pense généralement que l'auteur est Alcuin, un familier de l'empereur et un  savant de sa cour.

Charlemagne et Alcuin

Charlemagne et Alcuin

Contenus des Livres Carolins

L'auteur s'en prend à la fois au concile iconoclaste de 754 et au concile catholique de Nicée II, et affirme qu'il faut soutenir contre le premier que les images ne sont pas des idoles, et contre le second, qu'il ne faut pas les adorer.

La position de l'auteur peut se résumer dans ces quelques conclusions :

- L'adoration et le culte ne doivent revenir qu'à Dieu ; lui seul, et non pas la créature, est adorandus et colendus (celui auquel on doit rendre le culte d'adoration).

- On doit simplement  vénérer les saints ;

- Il y a cependant des cas  où on accorde l'adoratio à des hommes ; elle consiste à se prosterner devant eux, ou à les baiser, mais cela n'a lieu qu'à cause de la salutation et par amour, ou bien par humilité.

- Quant aux images, on ne doit pas leur rendre cette adoration, car elles sont sans vie et formées de main d'homme. On doit en avoir pour l'ornementation des églises ; pour rappeler d'anciens souvenirs, mais on ne doit leur rendre ni d'adoration ni de culte.

- il importe peut d'en avoir ou de n'en pas en avoir, car elles ne sont pas nécessaires, et c'est bien à tort que le synode de Nicée II a menacé d'anathème tous ceux qui ne vénéraient pas les images.

- Il  est insensé d'allumer des cierges et de brûler de l'encens devant les images.

Livres carolins

Livres Carolins (manuscrit de Reims ;source bnf.fr ; Bibliothèque nationale de France)

Erreurs des livres Carolins

Cette condamnation du concile de Nicée II est évidemment inacceptable. Elle repose sur une mauvaise compréhension de ce concile partant d'une traduction très approximative. En résumé les livres Carolins ne se sont pas rendu compte de ce qui faisait le véritable fond de ce débat, c'est-à-dire, de cette différence établie et mise en relief par le concile de Nicée entre le culte de latrie, réservé à Dieu seul et la προσκυνησις, qui signifie prosternation ; ils restent constamment sous l'influence de ce malentendu causé par cette fâcheuse traduction latine des actes de Nicée, qui rend partout le mot προσκυνησις par adoration.

Certaines de leurs critiques visent directement le pape Adrien ou des docteurs de l'Eglise comme saint Basile le Grand, saint Grégoire de Nysse. De plus des textes faussement attribués à des auteurs manifestent une certaine légèreté dans le  travail.

Le concile de Nicée II au synode de Francfort

en 794 Charlemagne réunit un concile dans cette ville où plus de 300 évêques se réunirent. A ce synode assistèrent les légats de la sainte Eglise romaine. La motivation principale qui poussa l'empereur à réunir ce concile fut de condamner l'hérésie adoptianisme, une hérésie qui se répandait en Espagne et qui prétendait que Jésus n'était pas Fils de Dieu par nature mais seulement par adoption.

A cette occasion le synode a examiné la question concernant le concile de Nicée II "lequel a frappé d'anathème quiconque ne rendrait pas aux images des saints le servitium et l'adoratio, comme on les rend à la Trinité. Tous les évêques présents ont refusé de rendre au images l'adoratio et le servitus, aussi ont-ils rejeté à l'unanimité ce concile."

Ici deux remarques s'imposent :

- le synode de Francfort attribue à Nicée II une doctrine diamétralement opposée à celle qu'il a réellement professée.

- ces deux synodes ont été signés par les légats du pape.

Le Pape Adrien et les livres Carolins

Charlemagne envoya à Rome ces livres Carolins. Mais la réponse du Pape autorise à conclure que ce qu'il reçut ne fut pas une copie absolument identique à l'original mais une copie incomplète qui diffère encore dans quelques passages d'une manière notable, quant à la rédaction, des livres Carolins.

Dans un premier temps le pape s'opposa à l'empereur et essaya de lui expliquer que que les Pères du Concile ne défendait en aucune manière l'adoration des images. Charlemagne ne changea pas pour autant sa position. Le pape Adrien n'insista pas et l'Eglise franque continua à tenir sa doctrine sur les images comme la seule orthodoxe.

Statue équestre de Charlemagne

Statue équestre de Charlemagne, par Agostino Cornacchini (1725), basilique Saint-Pierre du Vatican.

Conséquences du synode de Francfort dans le culte des images en Occident

Cet épisode des livres Carolins semble être une vieille querelle sans importance ; mais cette condamnation de Nicée II par Francfort creusa une sorte de fossé entre l'Orient et l'Occident sur la vénération des images. En Occident, les images n'étaient pas interdites, mais leur usage bien limité ; on les considérait comme un ornement des églises et, d'autre part, comme une mémoire des actions passées. C'est pourquoi l'image qui, pour les orthodoxes, est un langage de l'Eglise, une expression de la révélation divine et une partie intégrante du culte, n'a jamais joué ce rôle dans l'Eglise romaine.

Il est possible aussi que la mentalité occidentale ne se prête guère à cet usage théologique et liturgique des images tel qu'il est vécu en Orient.

Buste reliquaire de Charlemagne

Buste-reliquaire de Charlemagne dans la chambre des trésors de la crypte de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle.

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