Dans des articles précédents nous avons parlé des oppositions contre le secret de la Salette qui eurent des conséquences négatives sur les deux voyants et spécialement Mélanie Calvat. Cette dernière eut ses détracteurs et ses protecteurs ; elle a été attaquée dans sa conduite ; on en a fait, une instable, une hystérique, une simoniaque, une possédée, une fille de mauvaise vie. Que faut-il penser de tout cela ?
On pourrait suivre Mélanie dans sa vie étape par étape pour comprendre cette apparente instabilité, mais cela serait trop long. Arrêtons-nous plutôt sur les soutiens qu'elle a eu de la part de personnes très recommandables : c'est un gage du sérieux de Mélanie.
De 1851 à 1868 elle subit contrariété sur contrariété en raison de l'opposition de Mgr Gilouhac qui la fit renvoyer du couvent de Corenc (1853), l'obligea à entrer dans un carmel en Angleterre en quasi séquestration (1858) ; libérée grâce à la police anglaise, elle va à Marseille et prend l'habit dans la congrégation de la Compassion.
Le vénérable Mgr petagna
Le vénérable Mgr Petagna et Mélanie
En octobre 1860 elle rencontre Mgr Petagna, évêque exilé de Castellemmare di Stabia près de Naples, qui devient son directeur spirituel. Dès que ce dernier peut rentrer en Italie, il invite Mélanie a le rejoindre, et le 21 mai 1867, Mélanie et Mère Présentation quittent la France pour Naples, puis Castellammare, où Mgr Petagna les accueille. La voyante y séjourne 17 ans.
Sous la protection de cet évêque et jouissant d'une liberté retrouvée elle put vraiment s'épanouir et retrouver une vie normale. Mgr Petagna qui connaissait bien Mélanie en tant que son ancien confesseur la tenait en haute estime. Pour preuve, avec ses amis Mgr Zola et les cardinaux Sforza ou Guidi, il lui donne toute latitude pour accomplir sa "mission" : le dévoilement complet de son secret, et la fondation religieuse demandée par Notre-Dame. Ainsi s'établissent ses contacts directs avec le pape Léon XIII et les congrégations romaines. Elle aura même une audience particulière avec le Pape. Une telle faveur ne lui aurait pas été accordée si elle était telle que les détracteurs la décrivent.
L'autobiographie de Mélanie
En 1897, sur la demande de Saint Annibale di Francia, Mélanie écrit son autobiographie. pour certains auteurs, cette biographie montre bien l'égocentrisme de la voyante certains allant jusqu'à parler d'hystérie. Jean Stern écrit : "A force de rêver, il arrive à Mélanie de ne plus savoir distinguer le vrai de l'imaginaire... Elle remodèle la réalité en fonction de son égocentrisme", et une page avant "L'égocentrisme qui est à l'origine de ce renversement explique la formation du fameux secret."
Cette position est loin d'être partagée par tous et notamment par des personnalités qui jouissent d'un certain renom bien mérité, comme Léon Bloy, Maritain, Massignon et d'autres qui voient dans l'autobiographie de Mélanie "Un grand témoignage rendu à la lumière invisible que les ténèbres ne comprennent point" (Julien Green, 1946)
Le grand philosophe Jacques Maritain qui a pris la défense de Mélanie
auprès de Pie XII et de Paul VI
Mélanie, une vraie mystique ou une hystérique ?
Mélanie fut en proie à de grandes souffrances qui répondaient à son désir. En cela elle voulait continuer la Passion du Christ non pas dans un esprit masochiste, mais par amour pour Jésus. L'évêque Petagna, confesseur puis protecteur de Mélanie, qui prêchait de son côté le "martyre d'amour", avait compris et soutenait Mélanie à Marseille.
La vénérable Nazarena Majone, première supérieure des Filles du Divin Zèle du Coeur de Jésus qui l'accueillirent un an à Messine écrit :
"Sa vie est un modèle de vertu, et d'une mortification continuelle, sans qu'elle ne se fatigue jamais. Son comportement était celui d'une sainte, douce, modeste ; nous admirions toutes ses saintes vertus...."
Mélanie et les stigmates
Certains détracteurs de Mélanie n'hésitent pas à nier ce fait mystique ou à le réduire à une automutilation. Mais regardons un peu quelques témoignages :
"Soeur Dosithée, compagne de noviciat de Mélanie à Corenc, interrogée par le Père Bossan en 1871, l'informe sans ambages :
"Elle a vu très souvent aux mains de Mélanie des plaies, surtout au dedans. Elles étaient rouge carmin, violacées. Cela avait lieu principalement les vendredis. Ce jour-là, Mélanie était pâle, souffrante, marchant avec peine."
En avril 1867, mère Marie de la Présentation, assistante de la communauté de la Compassion, qui fut en contact particulier avec la voyante pendant sept ans (1859 - 1867) donne ce témoignage critique recueillit par le Père Louis Beaup :
"Elle (Mère Marie de la Présentation) est on ne peut plus convaincue de la réalité des stigmates qu'elle a pu constater régulièrement pendant sept ans, soit aux mains, soit aux pieds, soit à la tête" qui apparaissaient à certaines périodes de l'année..." Ordinairement ce n'est qu'une rougeur très marquée, mais à certaines époques ce sont de vraies plaies donnant une certaine quantité de sang... La religieuse de Marseille en est donc très convaincue, quoique, dit-elle, elle ne mérite pas cette grâce car son caractère est tout à fait malheureux (c'est la période d'épreuves où la liberté de Mélanie est entravée) et sa piété, quoique sincère, n'a pas de signes extraordinaires de ferveur. Le Père Calage qui a dirigé Mélanie durant toute cette période de six ou sept ans en est très convaincu. L'aumônier du couvent des carmélites où était Mélanie en Angleterre s'est dit en être convaincu."
Le 18 janvier 1872, l'abbé Bliard rapporte le témoignage du P. Calage (sj) qui s'est chargée de Mélanie à Marseille : "La découverte des stigmates dans ses mains a déterminé à la faire changer de maison... Elle avait des stigmates, surtout en carême et vers l'époque de l'apparition."
Voici un témoignage de grand poids puisqu'il provient d'un bienheureux Annibale di Francia. Le 18 août 1897, Mélanie arrive à Messine, à la demande du bienheureux, pour diriger ses religieuses et leur orphelinat. Il atteste : "sa prodigieuse et singulière stigmatisation... J'en ai été témoin oculaire ainsi que... des soeurs de mon institut ; mais, de plus, je possède une lettre de Mélanie, où elle me parle de ses stigmates dans les termes de la plus grande humilité."
Ces différents témoignages en faveur des stigmates nous permettent de conclure avec certitude à l'authenticité de cette grâce mystique en faveur de Mélanie.
Saint Annibale di Francia
Saint Annibale di Francia et Mélanie
A plusieurs reprises nous avons fait appel à son témoignage. Le 18 septembre 1897, saint Annibale di Francia l'appelle à prendre la direction de la communauté des Soeurs du Divin Zèle et leur orphelinat à Messine. Il la tiendra pour cofondatrice de cette nouvelle famille religieuse. C'est sur son ordre qu'elle écrivit alors son autobiographie où elle exprime avec élégance et sûreté de doctrine ses expériences spirituelles, quoique sans formation particulières. Il prononça son éloge funèbre à Altamura, ouvrit une maison des filles du Divin Zèle pour garder sa tombe dans leur chapelle, et s'occupa de sa béatification. Il écrivait, le 20 décembre 1902 :
J’ai été bien fortuné d’avoir logé Mélanie un an et dix-huit jours dans un de mes Instituts religieux de sœurs, appelées « Filles du Divin Zèle du Cœur de Jésus ». ...
Durant le séjour de Mélanie dans mon Institut, j’étudiai diligemment cette singulière créature. Je lui ai observé des vertus vraiment extraordinaires, au point de la mettre au rang des plus grandes saintes. Je peux me tromper, mais telles sont mes impressions. [...]
Elle est très pure, très innocente, très aimante, forte, prudente, très mortifiée, enflammée de zèle pour Dieu et pour les âmes, simple comme une colombe, excellente conseillère, elle possède à un degré élevé le discernement des cœurs ; elle est très patiente, parfaitement pacifique, tranquille, douce, mais prompte et rapide à mettre en œuvre ce qu’elle connaît être la volonté de Dieu.
Sa vie a été un continuel martyre intérieur pour deux motifs principalement; à cause des offenses à Dieu, et [dans l’attente] de voir réalisés les deux ordres religieux dont la Très Sainte Vierge lui donna l’admirable Règle sur la montagne de La Salette. [...]
Bien que cachée, même en la regardant dans son extérieur humble, pacifique, inaltérablement calme et doux, elle laisse transparaître une grande sainteté".
N'oublions pas que c'est un saint canonisé qui écrit cela...
Mélanie à la fin de sa vie
Le bienheureux Jacques Cusmano et Mélanie
Un autre bienheureux, Jacques Cusmano (1834-1888), médecin de Palerme, devenu prêtre, fonda les Serviteurs et Servantes des pauvres. Il rendit visite à Mélanie, la reçut quelques jours à Palerme et la supplia de venir à son aide pour fonder sa famille religieuse selon la règle reçue de Notre-Dame, mais « Rome » ne permit pas. Véritable « apôtre des derniers temps », mort à 43 ans, il fut béatifié par Jean-Paul II. A sa seconde visite à Castellammare, Mélanie l’avait encouragé dans sa fondation :
"Je fus surpris à peine arrivé de voir Mélanie m’ouvrir elle-même la porte, avec un respectueux et charitable accueil, et qui plus est, d’avoir trouvé sur la table une copie de la règle et une petite statue de l’apparition de la Grande Mère de Dieu sur la montagne de La Salette....
En toute confidence, Mélanie me rapporta son histoire et les raisons pour lesquelles elle vivait confinée dans ce village, à mon grand étonnement. Il me sembla juste de la prier de vouloir m’aider, tant qu’il ne lui était pas possible de se dédier à l’œuvre à laquelle elle croyait être appelée. Elle me montra en toute humilité son inaptitude et même son impuissance à cause d'une sévère loi qui la retenait dans ce lieu, mais elle promis de faire ce qui lui était permis ; une visite de huit jours seulement, et ensuite, tout ce que le Saint Père aurait voulu. Elle m'encouragea, entre temps, à vêtir les sœurs, et à tâcher de réunir et de commencer la communauté à la manière que le Seigneur m’aurait alors inspiré, et à confier davantage en l’aide de Dieu et de la Très Sainte Mère, afin que les affaires prospèrent pour sa gloire et le salut des âmes".
Le témoignage de ce bienheureux est intéressant car en sollicitant l'aide de Mélanie, il montre combien il estimait Mélanie.
Une lettre de Salvator L. Zola, futur évêque de Lecce
On pourrait aussi citer des lettres du Père Semenenko (Son procès de béatification a été ouvert en 2006), mort en odeur de sainteté.
On terminera par un extrait d'une lettre de écrite le 6 janvier 1872 par Salvator L. Zola, Abbé des Chanoines réguliers S. Latran :
Mais à ceux qui veulent apprécier en toute sagesse et sécurité ce document qui préoccupe le public, nous avons plus qu’un certificat à leur présenter. Ce sont les circonstances par lesquelles la Très Sainte Vierge a amené Mélanie dans notre pays ; là, elle a été connue par plusieurs autorités ecclésiastiques, renommées par leur grande sainteté et leur science profonde ; depuis son arrivée qui remonte bientôt à cinq ans, elle est sous la tutelle spéciale du vénérable et savant évêque de ce diocèse, Mgr Petagna. Vous en avez entendu parler à Marseille, où ce saint évêque a vécu pendant son exil. Je n’ajouterai donc rien à ce qu’on vous a dit de ses vertus et de ses talents.
Certainement ce grand évêque ne prendrait pas un soin tout paternel de cette chère enfant et ne la protégerait pas, si elle était ce qu’on ose dire... Soyez certain encore que ce pasteur connaît parfaitement la Bergère de La Salette, et dans tout le passé et dans tout le présent. Cela seul réfute suffisamment les calomnies, car Monseigneur ne ralentit pas son dévouement. C’est là, ce me semble, un certificat en fait, qui doit bien l’emporter sur un certificat en paroles. Or, si les diffamations et les personnes qui se laissent tromper ne sont pas capables de faire simple réflexion et de comprendre cela, il ne nous reste plus qu’à prier pour eux."
nous avons donc tout un faisceau de témoignages sérieux et digne de foi qui nous montre combien Mélanie était estimée par des personnes très recommandables. En face de ceux-ci les calomnies contre Mélanie ne font pas le poids.