Sainte Jeanne d'Arc au sacre de Charles VII à Reims (Tableau du peintre Ingres)
Sainte Jeanne d'Arc naquit en 1412 et mourut en 1431, brûlée à Rouen comme hérétique et relapse. Mais cinq siècles après, en mai 1920, elle est canonisée. Comment expliquer cette réhabilitation, ce regain d'intérêt pour Jeanne d'Arc ? Car il ne suffit pas d'être sainte pour être canonisée, il faut encore que cette canonisation offre un intérêt au peuple des fidèles, que des hommes d'Eglise veuillent bien travailler à ce long labeur que demande les différentes procédures pour aboutir à la canonisation.
Brûlée à Rouen sous occupation anglaise, sainte Jeanne d'Arc avait bien évidemment ses partisans. Son innocence transparait même le jour de son exécution, comme en témoigne ces deux anecdotes :
- alors que le bûcher crépite encore, un soldat anglais se réfugie dans une auberge. Il déteste Jeanne. Il a même tenu à apporter lui-même un fagot au bûcher. Mais il pleure dans sa coupe et déclare à qui veut l'entendre qu'il vient de se damner.
- En quittant la place du Vieux-Marché de Rouen où Jeanne a été brûlée, les visages de ceux qui étaient venus en badauds se repaître du martyre d'une sorcière ont une mine sombre. Beaucoup semble frappés de stupeur. Effrayé un secrétaire du roi Henri VI confie à un proche : "Nous sommes tous perdus, car c'est une bonne et sainte personne qui a été brûlée."
L'iniquité du procès de condamnation sautait aux yeux des personnes droites. De saints évêques et religieux prirent sans tarder la défense de la mémoire de la Pucelle de Domremy :
- le pape Pie II, (1405 - 1464) dans ses Mémoires, fait éloge des vertus de Jeanne " la vierge qui stupéfie, d'inspiration divine ainsi que démontre ses exploits" ;
- saint Antonin de Florence, mort en 1450 parle de la Pucelle d'Orléans en ces termes : "On avait peine à savoir l'esprit qui la dirigeait, on croyait généralement que c'était l'esprit de Dieu, ses oeuvres en sont la preuve manifeste".
Le procès de réhabilitation de sainte Jeanne d'Arc
Le roi Charles VII pouvait se reprocher de ne pas avoir tout fait pour sauver Jeanne ; ainsi, dès qu'il reprit possession de Rouen en 1449, saisi par le lieu de souffrances de Jeanne, le roi tente quelque chose pour la réhabilitation de Jeanne et prescrit d'ouvrir une enquête sur les fautes et abus du procès.
Le tribunal siège à Rouen, entend les dépositions de gentilshommes, paysans, prêtres et soldats venus de toutes les provinces où Jeanne d'Arc est passée. La France, animée de la foi de sa libératrice, témoignait de toutes ses vertus.
A la même époque Isabelle Romée adresse une supplique au pape pour obtenir la réhabilitation de sa fille. Le 7 juillet 1456 la sentence de réhabilitation qui est plutôt un jugement de nullité du procès de condamnation est prononcée. Mais cette réhabilitation est incomplète car elle ne condamne pas les juges de 1431, ni n'éclaircit les difficultés soulevées par l'abjuration de ses voix, qu'aurait faite Jeanne le 24 mai. Cette clémence envers les responsables de 1431 s'explique par le fait qu'une promesse d'amnistie avait été concédée pour faciliter la liberté d'expression des anciens juges et témoins.
Par le procès en nullité, la France doit au Saint-Siège la conservation de la plus belle page de son histoire.
Sainte Jeanne d'Arc sauvée par Orléans
La mémoire de Jeanne d'Arc connaîtra toutes les vicissitudes. Elle sera honorée, ignorée, injuriée, défigurée. Mais il est un coin de France, un sanctuaire où Jeanne d'Arc fut toujours vénérée, même aux heures où la France s'égarait :c'est la ville d'Orléans qui chaque année, depuis 1429, fête le 8 mai sa délivrance par Jeanne d'Arc, la Pucelle d'Orléans. Cette fête du 8 mai fut le salut de la mémoire de Jeanne d'Arc dans le coeur du peuple. Elle fut la protestation étouffée contre la conspiration du silence, du mensonge, de l'aberration des gens de plumes. Jeanne avait par sa victoire gardé Orléans à la France ; Orléans par la commémoration de cette victoire gardera Jeanne à la France.
Entrée de sainte Jeanne d'Arc à Orléans
Pour la Renaissance Sainte Jeanne d'Arc devient incompréhensible
Durant la Renaissance, la mission de Jeanne était un grand embarras pour les humanistes incapables de saisir le don merveilleux du Ciel. De plus sous l'influence du Parlement de Paris et de l'université de cette même ville, l'un défenseur du césarisme, l'autre fortement attachée aux doctrines gallicanes, un grand nombre de catholiques de chez nous n'était plus capables de recueillir dans toutes ses dimensions surnaturelles l'enseignement contenu dans cette merveilleuse histoire : Dieu premier servi.
Le siècle du Roi soleil incapable de mettre en lumière sainte Jeanne d'Arc
Le XVIIème s. verra la mémoire de Jeanne s'obscurcir davantage avec la déclaration solennelle des quatre articles définissant le système gallican. Les principes les opposent à la mentalité de sainte Jeanne d'Arc, à sa soumission à l'Eglise. Ces Gallicans de 1682 étaient les héritiers spirituels des juges de Jeanne de l'université de Paris au procès de 1431...
L'école gallicane a mis en relief le côté militaire de l'action de Jeanne, l'épopée allant d'Orléans à Reims ; elle évitait l'enfance, Domremy, pour supprimer toute la préparation de la mission divine de Jeanne par les voix du ciel, sans laquelle elle est incompréhensible.
Le siècle des Lumières, indigne de sainte Jeanne d'Arc
Le XVIIIème s. va encore plus loin : de Genève est éditée une brochure tellement infamante, injurieuse et nauséabonde, tissu de calomnieuses obscénités envers la Pucelle d'Orléans, qui avait fait voeu de virginité à 13 ans, à tel point que l'auteur se cacha. Mais 30 ans après, quand le pourrissement de la société française était assez avancé Voltaire s'en déclara l'auteur... Ce siècle s'achève comme Mirabeau l'avait demandé : "Il faut décatholiciser la France pour la démonarchiser et la démonarchiser pour la décatholiciser", antithèse même du programme politique apporté du ciel par la vierge de Domremy, ange de la contre-révolution : Dieu premier servi.
En 1793 la procession du 8 mai à Orléans est supprimée mais ce n'est que pour un temps, car dès 1803 les habitants demandent de pouvoir la reprendre. Cela leur fut accordé.
Sainte Jeanne d'Arc redécouverte
Avec le XIXème s. va naître une vive admiration, un engouement parfois fantaisiste et désordonné, mais réel et sincère, pour la libératrice de la patrie. Deux courants se dessinent parmi les auteurs : l'un rationaliste, qui cherchera à creuser un fossé entre Jeanne et l'Eglise, faisant d'elle une idole païenne ; l'autre, catholique, qui explore pour mieux s'en inspirer, l'esprit divin de sa mission. Nous en reparlerons plus longuement dans un prochain article.
Jeanne d'Arc martyrisée à Rouen