La dévotion est un mot bien connu ; on parle d'objets de dévotion, de dévots, avoir de la dévotion, se dévouer, etc... ; mais savons-nous ce que ce mot signifie exactement ?
A l'origine de la dévotion, la Rome païenne
Ce mot de dévotion provient de la langue religieuse de la Rome antique. Il a signifié plusieurs choses :
- l'action par laquelle on "dévouait" une personnes aux dieux infernaux,
- puis celle par laquelle un citoyen se consacrait au service de l'empereur,
- dans la suite il désigna les dispositions habituelles de fidélité, d'obéissance et de respect que l'on éprouve à l'égard d'une personne à laquelle on est attaché.
Aperçu rapide de la dévotion en milieu chrétien
Ces différentes significations se rapportent à des réalités qui peuvent facilement se transposer dans la religion chrétienne. C'est ce que ne manquèrent pas de faire les premiers écrivains ecclésiastiques, mais avec des nuances très diverses selon qu'on privilégie tel ou tel sens.
Ainsi l'objet de la dévotion fut d'abord le culte divin dans l'accomplissement des différents rites, mais en même temps, d'une manière plus générale, ce fut le service de Dieu dans l'obéissance à ses commandements. Déjà à ce niveau on pouvait mettre l'accent soit sur les manifestations extérieures ou au contraire s'attacher à analyser et définir les actes intérieurs qui sont essentiels. En outre si le mot dévotion désigne une action, il définit les disposition habituelles de fidélité ou de ferveur qui sont à la source même de l'acte de dévotion. Ces quelques aperçus nous montrent un peu la complexité de ce mot, d'ailleurs fréquemment employé dans les prières liturgiques, mais reprenons avec plus de détails l'évolution du mot dévotion.
La dévotion dans l'antiquité
La dévotion aux dieux
l'action liée au sens primitif de ce mot consistait à livrer aux dieux infernaux une personne ou une chose afin d'obtenir d'eux une faveur. A la différence d'un voeu, la promesse doit être exécutée avant que la faveur sollicitée ne soit obtenue ; et cette faveur consiste dans l'anéantissement d'une ou plusieurs vies humaines ; d'où l'objet de la promesse est le plus souvent la vie humaine. Les historiens de la Rome antique ont recueilli plusieurs témoignages où des chefs militaires étaient dévoués à dieu ainsi que l'armée par le prêtre païen. Le chef, ainsi dévoué, se lançait à la tête de ses troupes et assurait par sa mort glorieuse la victoire au sien et le salut du peuple romain.
La dévotion, glissement vers un sens moral
Avec le temps le mot dévotion prendra un sens moral étranger à toute référence cultuelle. Ainsi durant la période de l'empire romain, dévotion signifiera l'acte par lequel un citoyen se consacre au service d'un chef ou à celui d'un prince.
Puis de l'acte proprement dit par lequel on se dévoue à l'empereur on passera à un sens du mot dévotion qui signifiera les sentiments de respect, de fidélité, d'obéissance que le citoyen éprouve à l'égard du prince auquel il s'est dévoué.
La dévotion universalisée
Une dernière évolution en milieu païen, donnera au mot dévotion un sens purement moral pour signifier simplement le respect, la soumission ou l'affection que l'on ressent à l'égard d'une personne.
Ces différentes significations du mot dévotion laissent apparaître que l'antiquité païenne en est restée à une signification extérieure du mot dévotion.
Il appartiendra au christianisme de mettre en valeur et de développer l'aspect intérieur de la dévotion.
La dévotion dans la religion chrétienne
Cette dévotion intérieure est elle-même l'acte par lequel on donne déjà intérieurement à Dieu ce qui sera consacré ou sacrifié extérieurement ; elle peut désigner aussi le dispositions intérieures de l'âme dans l'accomplissement d'un rite d'offrande.
Ce passage de l'extériorité vers l'intériorité est une grande importance, car cela permet de donner plus d'attention à l'aspect spirituel et intérieur de la religion et du culte. Cela nous rappelle la parole de Notre Seigneur à la Samaritaine (Jn 4, 24) : "Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité."
Objets de piété et dévotion
Il est important de ne pas oublier cela dans l'usage des objets religieux, dans le port des médailles religieuses par exemple. Il ne suffit pas d'avoir une médaille de saint Benoît sur soi pour bénéficier de sa protection, il faut encore la porter avec piété et dévotion, c'est-à-dire, avoir des dispositions intérieures en conformité avec la signification de l'objet religieux et sa finalité.
Quand on se signe avec de l'eau bénite, le geste purement extérieur est insuffisant, il doit être accompagné de sentiments de foi, de confiance, d'humilité, d'une attitude générale de dévouement envers Dieu ; en d'autres termes on doit se signer avec dévotion et piété.
Pour les prières vocales, le plus important n'est pas la prononciation sensible des paroles, mais avant tout la prière du coeur liée étroitement avec la dévotion intérieure qui selon saint Thomas est l'acte principal de la vertu de religion.
D'une manière générale la dévotion intérieure nous aidera à faire un bon usage des objets religieux de façon à ne pas tomber dans la superstition, la vaine observance ou pire dans une mentalité magique ou ésotérique.
Il est donc important de bien comprendre ce qu'est la dévotion dans sa dimension intérieure. Pour cela nous approfondirons cette notion de dévotion intérieure dans de prochains articles.