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La plénitude de grâce de Marie et la Maternité divine

L'Annonciation de Fra Angelico

L’Ange de l’Annonciation, saint Gabriel, attribue à Marie le privilège de la plénitude de grâce, et le concile d’Ephèse (431) reconnait à la Vierge Mère la Maternité divine, mais quel est le plus grand de ces deux privilèges ?

Heureux surtout ceux qui écoutent la parole de Dieu

Dans l'Evangile de saint Luc (ch. XI, 27), une femme du peuple s'écrie en s'adressant à Jésus : "Bienheureux le sein qui t'a porté et les mamelles qui t'ont nourri". Mais le Sauveur de répondre : "Heureux surtout ceux qui écoutent la parole de Dieu et la conservent dans leur coeur". De cette répartie certains théologiens en ont conclu que la plénitude de grâce et de charité, principe des actes surnaturels et méritoires de Marie, est supérieure à la maternité divine, qui par elle-même serait d'ordre corporel.

Mais pour beaucoup de théologiens cet argument n'est pas concluant pour deux raisons :

- cette femme ne parlait pas de la maternité divine car elle ne considérait pas encore Jésus comme Dieu mais comme un simple prophète.

- elle parlait de la maternité corporelle selon la chair et le sang.

L'Immaculée Conception

Une maternité humaine et libre

Pour bien saisir le problème, il est bon de remarquer qu'il ne s'agit pas d'une maternité seulement corporelle et matérielle comme chez les animaux, mais la maternité humaine demande de soi le consentement libre et, dans le cas de la maternité divine, elle est un acte surnaturel et méritoire : c'est le Fiat du jour de l'Annonciation.

Ce consentement incluait l'acception de toutes les conséquences de cette maternité et notamment les souffrances annoncées dans les prophéties messianiques que Marie connaissait. Ainsi dans ce consentement il y avait une parfaite conformité de volonté à celle de son Fils, une acceptation parfaite à être la digne Mère du Rédempteur.

C'est pourquoi la sainte Vierge a doublement conçu son Fils, de corps, le Christ est la chair de sa chair, et d'esprit par son consentement explicite, à l'union hypostatique dans son sein.

La grande majorité des théologiens reconnaissent que la maternité divine comprise ainsi et proclamée au Concile d'Ephèse, est supérieure à la plénitude de grâce et de charité et que son plus grand titre de gloire est d'être la Mère de Dieu. 

Essayons d'approfondir les raisons de cette prééminence.

Icône de la Maternité Divine

Qu'est-ce que la prédestination divine ?

Dans la suite de notre propos nous parlerons souvent de la prédestination ; commençons donc par expliquer ce mot.

La prédestination est un certain ordonnancement divin qui a prévu par avance et de toute éternité ces choses nécessaires pour conduire les élus à la vie éternelle et qui sont réalisées dans le temps par la grâce divine. Elle est comme une prescience divine de tous les bienfaits nécessaires pour que l'homme soit sauvé. Cette prédestination est nécessaire car cette fin surnaturelle dépasse la nature humaine, par conséquent l'homme lui-même est incapable de prévoir et d'ordonner les moyens pour l'atteindre. Cet ordonnancement appartient en propre à Dieu. Ainsi tout homme qui est sauvé a été prédestiné par Dieu ; pour cela le créateur a prévu tous les moyens nécessaires pour le salut et a fait en sorte que l'homme en bénéficie réellement afin qu'il parvienne à la vie éternelle.

Quand on parle de la prédestination du Christ, on entend la nature humaine de Jésus prédestinée à être unie à la nature divine dans la personne du Verbe divin.

La prédestination de Marie à la maternité divine

Cette prédestination de Marie est en dépendance de la prédestination de Jésus : par un même décret, Dieu a prédestiné Jésus à la filiation divine naturelle et Marie à la maternité divine ; cela se comprend bien dans la mesure où l'on considère que la prédestination éternelle du Christ à la filiation divine naturelle comprend toutes les circonstances particulières, notamment, né de la Vierge Marie.

Comme Jésus a été prédestiné à la filiation divine avant de l'être au plus haut degré de gloire et à la plénitude de grâce. Il en est de même pour la sainte Vierge.

Cette priorité de prédestination à la filiation divine provient du fait que le Christ s'est incarné dans une chair passible et mortelle en vue du salut de l'homme et par voie de conséquence pour la  gloire et pour la grâce.

Même si pour Marie la prédestination à la maternité divine est première, elle entraine aussitôt comme conséquence celle à la gloire et la grâce, parce que cette maternité est en relation si intime avec Dieu qu'elle exige ou postule la participation de la nature divine. On ne conçoit pas la Mère de Dieu privée de la grâce.

Cette priorité de prédestination et priorité de dignité pour la maternité divine sont liées. Dieu n'a pas choisi, parmi les Vierges les plus saintes d'Israël celle qui sera la mère du Messie, mais il a créé une Vierge qui puisse être une digne Mère de Dieu. 

La sainte Vierge et le mérite

En considérant ce que la sainte Vierge a pu mériter et ce qu'elle n'a pas pu mériter nous verrons mieux la plus haute dignité du privilège de la maternité divine.

Marie a pu mériter par la plénitude de grâce, qu'elle avait gratuitement reçue en raison des mérites futurs de son Fils, l'augmentation de charité et le degré supérieur de pureté et de sainteté qui convenait pour qu'elle fût la digne Mère de Dieu. Mais elle n'a pas pu mériter l'Incarnation, ni la Maternité divine, car celles-ci dépassent absolument la sphère et la fin ultime du mérite des justes qui est seulement ordonnée à la vie éternelle. Mériter l'Incarnation ou la divine maternité, serait mériter le principe éminent de tous les mérites des hommes depuis la chute.

Sainte Therese : Marie est plus Mère que Reine

La sainte Vierge et l'union hypostatique

En considérant le terme de la maternité divine nous découvrons une autre raison qui permet de comprendre comment la maternité divine surpasse la plénitude de grâce. La maternité divine ne se termine pas à l'humanité de Jésus mais à sa personne, à la Personne incréée du Verbe incarné. Selon un grand théologien, Cajetan, "la maternité divine atteint aux frontières de la divinité", elle est par son terme de l'ordre hypostatique, ordre de l'union personnelle de l'humanité de Jésus au Verbe incréé. Cet ordre de l'union hypostatique dépasse immensément celui de la grâce et de la gloire. Tous les actes de charité des plus grands saints, hommes ou anges, et leur gloire au ciel restent immensément inférieurs à l'union hypostatique. La Maternité divine se termine à la Personne incréée du Verbe fait chair, elle dépasse sans mesure par son terme la plénitude de grâce et de gloire reçue par Marie elle-même.

Citation sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus

La raison de toutes les grâces accordées à Marie

La maternité divine est la mesure et la fin de la plénitude de grâce, elle en est la raison. Marie reçoit cette plénitude de grâce c'est pour qu'elle enfante tout en restant vierge, qu'elle soit une digne mère de Dieu. La maternité divine exige une intime amitié avec Dieu, par conséquent cela exige une plénitude de grâce.

Toutes ces considérations loin d'être inutiles, nous aident à mieux comprendre la très haute dignité de Marie, et le bien fondé de la dévotion envers Marie. Elles nous permettent de mieux prier le chapelet où avec l'Ave maria on rappelle ces grands privilèges : "Je vous salue Marie, pleine de grâce,.... Sainte Marie, Mère de Dieu..."

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