Le signe de la croix est avant tout le signe de l'appartenance au Christ qui pour nous, pour notre salut, a souffert sur la croix ; il est, de façon plus ou moins consciente, un rappel du baptême, car c'est par le baptême que nous sommes devenus chrétiens. De manière plus mystérieuse, le signe de la croix est devenu le signe du Dieu trinitaire, puisqu'il est tracé "au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit". Justement c'est peut-être en raison du baptême fait au nom des trois personnes, que la formule trinitaire a été associée au signe de la croix.
Par ces quelques lignes nous pouvons déjà entrevoir l'importance et la puissance du signe de la croix.
Le signe de la croix et les premiers chrétiens
Les chrétiens d’aujourd’hui ne font plus, ou font rarement, ou font mal le signe de la croix. Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, nous sommes aux antipodes de nos aïeux, les chrétiens de la primitive Église. Eux faisaient le signe de la croix ; ils le faisaient bien ; ils le faisaient très souvent.
En Orient comme en Occident, à Jérusalem, à Athènes, à Rome, les hommes et les femmes, les jeunes gens et les vieillards, les riches et les pauvres, les prêtres et les simples fidèles, toutes les classes de la société observaient religieusement cet usage traditionnel. L’histoire n’offre pas de fait plus certain. Tous les Pères de l’Église, témoins oculaires, en font foi, tous les historiens le constatent. Citons seulement Tertullien : « À chaque mouvement et à chaque pas, en entrant et en sortant, en nous habillant, en nous chaussant, en nous baignant, en nous mettant à table, en allumant les flambeaux, en dormant, en nous asseyant, quoi que nous fassions et où que nous allions, nous marquons notre front du signe de la croix. »
Vénérer le signe de la croix
Ainsi, à chaque instant nos aïeux faisaient, d’une manière ou d’une autre, le signe de la croix. Ils le faisaient non seulement sur leur front, mais encore sur leurs yeux, sur leur bouche, sur leur poitrine. Nous ne sommes pas obligés de suivre les recommandations de Tertullien à la lettre, mais voyons l'esprit : la croix est notre salut, notre gloire ; c'est par elle que le Christ Sauveur nous a libéré de la mort éternelle et du péché ; par conséquent nous devons l'avoir en grande vénération, et elle doit être vraiment présente dans notre vie d'une manière ou d'une autre. Faire fréquemment le signe de la croix sur nous c'est un moyen de nous rappeler de sa valeur essentielle pour notre salut et d'en garder l'esprit.
Dans notre société hyper laïcisé, faire le signe de la croix peut poser des problèmes. Mais entre un signe de croix bien ostentatoire ou ne rien faire du tout il y a de la place pour des signes de croix discrets faits avec le pouce sur la poitrine.
Le signe de la croix est un trésor qui nous enrichit
Cette richesse du signe de croix vient de ce qu'il est une prière puissante et universelle. En faisant le signe de la croix sur nous-même nous nous identifions au Christ Sauveur. Nous sommes un nouveau Jacob qui se revêt des vêtements d'Esaü pour obtenir la bénédiction paternelle. En faisant le signe de la croix nous disons au Père des Cieux : "voici votre Fils" ; notre prière monte vers les Cieux et la Miséricorde divine descend sur nous.
Lorsque le chrétien se trouve dans quelque danger et commence les paroles du signe de croix : "Au nom du Père...", Dieu n’est-il pas, en quelque sorte, mis en demeure d’intervenir, et, en intervenant, de glorifier son nom et la puissance de son Christ ?
Pour son âme, l’homme a besoin de force : le signe de la croix en est la source féconde.
Le signe de la croix et les païens
Cette puissance du signe de la croix est telle que même des païens ou des juifs bénéficièrent de sa protection, comme le raconte Nicéphore dans son Histoire écclésiastique :
Sous l’empereur Maurice, le roi de Perse, Chosroès II, envoya en ambassade à Constantinople des Persans, qui avaient tous le signe de la croix marqué sur le front. L’empereur leur demanda pourquoi ils portaient un signe auquel ils ne croyaient pas. « Ce que vous voyez sur nos fronts, répondirent-ils, est le témoignage d’une insigne faveur que nous avons reçue autrefois. La peste ravageait notre pays. Quelques chrétiens nous conseillèrent de graver le signe de la croix sur notre front, comme un préservatif contre le fléau. Nous les avons crus et nous avons été sauvés, au milieu de nos familles moissonnées par la peste. »
Et déjà, plus d'un siècle avant, saint Augustin écrivait :
« Il ne faut pas s’étonner de la puissance du signe de la croix, quand il est fait par de bons chrétiens, puisqu’il a tant de force lorsqu’il est employé par des étrangers qui n’y croient pas, et cela pour l’honneur du grand Roi. »
Quand est-il recommandé de faire le signe de croix ?
En tout temps, le signe de croix est comme une prière universelle. En un sens, le signe de la croix peut dire comme le Sauveur lui-même : Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Rapporter quelques faits nous persuadera du bienfait du signe de la croix, mais ils sont tellement nombreux que la seule difficulté est de choisir. Tous, et chacun à sa manière, proclament, d’une part, la foi de nos aïeux, et, de l’autre, l’empire du signe de la croix sur le monde visible et sur le monde invisible. Besoins de l’âme et besoins du corps, il pourvoit à tout.
Exemples des saints en faveur du signe de la croix
Pour son âme, l’homme a besoin de lumières, et le signe de la croix les obtient. Saint Porphyre, évêque de Gaza, doit disputer contre une femme manichéenne. Afin de dissiper, par la clarté de ses raisonnements, les ténèbres dont la malheureuse est enveloppée, il fait le signe de la croix ; et la lumière éclate dans cette intelligence égarée.
Saint Cyrille de Jérusalem, si puissant d’ailleurs en paroles et en œuvres, ordonne de recourir au signe de la croix, toutes les fois qu’il s’agit de combattre les païens, et il assure qu’ils seront réduits au silence.
Dans l’ordre temporel, non moins que dans l’ordre spirituel, les lumières divines sont nécessaires à l’homme : le signe de la croix les obtient. Aussi les empereurs d’Orient, successeurs de Constantin, avaient coutume, lorsqu’ils devaient parler devant le sénat, de commencer par le signe de la croix.
L'ami et historien de saint Louis, le sire de Joinville, nous a laissé ce témoignage : « À la table, au conseil, au combat, en toutes ses actions, le Roi commençait toujours par le signe de la croix. »
Saint Bernard : « Quel est l’homme assez maître de ses pensées pour ne jamais en éprouver d’impures ? Mais il faut sur-le-champ réprimer leurs attaques, afin de vaincre l’ennemi là où il espérait triompher. L’infaillible moyen d’y réussir, c’est de faire le signe de la croix. »
Saint Pierre Damien : « Si vous sentez une mauvaise pensée naître dans votre esprit, faites aussitôt avec le pouce le signe de la croix, et soyez certain qu’elle disparaîtra. »
le signe de la croix est un signe divin qui nous ennoblit, car il vient du Ciel, il est divin car il nous aide à aller au Ciel. Comme il est sacramental, son efficacité dépend de nos dispositions intérieures. C'est donc avec une grande foi et une grande confiance que nous devons l'utiliser.
La présence d'un crucifix ou d'une croix dans les différentes pièces d'une maison ou à la croisée des chemins est un encouragement à ne pas oublier ce signe de notre salut et d'en user fréquemment. Ne serait-il pas judicieux de reprendre cette coutume de se signer à chaque fois que nous rencontrons un calvaire sur notre route, comme le faisait encore nos ancêtres à une époque récente ?
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