Retour en prison
Après l'apparente abjuration du 24 mai au cimetière de Saint-Ouen, Cauchon ordonna que Jeanne fut reconduite à la prison d'où elle avait été tirée, contrairement à ce qu'il avait promis, à savoir, une incarcération en prison de femmes. Jeanne se retrouva donc en habit de femme au milieu d'une soldatesque avec tous ses vices. Plusieurs tentatives de viol l'obligèrent à reprendre l'habit d'homme. Ou bien, d'après d'autres témoins, un matin les habits de femme avaient disparu pour être remplacés par des habits d'homme et elle n'eut pas d'autre solution que de les revêtir.
Conséquences pour Jeanne d'Arc de la reprise des habits d'homme
Cela se passait le dimanche 27 mai 1431. Cette reprise des habits d'homme, Cauchon la recherchait selon le plan prévu, afin de pouvoir accuser Jeanne d'Arc de rechute et de la condamner ainsi au bûcher.
Cauchon, informé du fait, se rendit à la prison le lundi 28 pour constater par lui-même la chose et interroger Jeanne d'Arc.
Jeanne d'Arc questionnée par Cauchon
De cet interrogatoire, arrêtons-nous sur ces déclarations de Jeanne tirées du procès-verbal officiel :
Cauchon demanda à Jeanne d'Arc si depuis jeudi elle avait entendu les Voix de sainte Catherine et de sainte Marguerite? « Oui, répondit-elle, avec une fermeté héroïque; oui, je les ai vues; et Dieu m'a fait connaître par elles la grande pitié de l'abjuration que j'ai faite pour sauver ma vie, et que je me damnais pour sauver ma vie...
Elles m'ont déclaré que j'avais fait une grande injure en confessant que je n'avais pas bien fait en ce que j'avais fait. Enfin tout ce que j'ai fait et dit depuis jeudi dernier, je ne l'ai fait et dit que par crainte du feu.
... Mais j'ai toujours répondu la vérité dans le procès, telle que je l'ai sue. »
Dans un autre témoignage, nous trouvons dans la bouche de Jeanne d'Arc la réponse :
"Je n'entendais pas faire et dire ainsi. Je n'ai pas dit ni entendu révoquer mes apparitions, à savoir que c'étaient sainte Catherine et Marguerite ; et tout ce que j'ai fait, je l'ai fait par peur du feu et je n'ai rien révoqué que ce ne soit contre la vérité. J'aime mieux faire pénitence en une fois, c'est à savoir mourir, que de soutenir plus longuement peine en prison. Je n'ai fait chose contre Dieu et contre la foi, quoi que l'on m'ai fait révoquer ; et ce qui était contenu dans la cédule d'abjuration, je ne le comprenais pas. Je n'entendais pas révoquer quelque chose, si ce n'est pourvu qu'il plaise à Dieu. Si les juges le veulent, je reprendrai l'habit de femme ; pour le reste je n'en ferai rien."
Ce que disent ces déclarations de Jeanne d'Arc
De ces deux déclarations assez semblables, nous pouvons retenir les deux certitudes suivantes :
- les Voix de Jeanne lui reprochèrent d'avoir mal agi le jeudi 24 mai et de s'être mis en danger de se damner.
- Jeanne d'Arc n'a pas voulu abjurer ses Voix, renier l'origine divine de sa mission.
De là nous pouvons conclure que cette grave faute ne concerne pas l'abjuration puisque au dire même de Jeanne elle n'a jamais voulu renier ses Voix ; mais alors comment comprendre les reproches des Voix du Ciel ?
Les reproches des Voix de Jeanne
Selon la Pucelle de Domrémy elle-même ses saintes lui reprochèrent :
- de n'avoir pas répondu hardiment à Erard, qualifié de "faux prêcheur", qui l'avait accusée de choses qu'elle n'avait pas faites. Dans sa prédication par laquelle commença la séance du 24 mai, Guillaume Erard avait accusé Charles VII d'être devenu hérétique et schismatique en écoutant Jeanne afin de recouvrer son royaume ;
- d'avoir fait grande injure à Dieu, en confessant qu'elle n'avait pas bien fait ce qu'elle avait fait alors que cela lui avait été commandé par Dieu. Cela fait allusion au port d'armes, au port de l'habit d'homme et aux cheveux courts, auxquels elle avait promis de renoncer lors de la séance du 24 mai au cimetière, alors que Dieu ne lui avait pas donné la permission d'enlever ses habits d'homme.
Jeanne a-t-elle péché mortellement le 24 mai ?
Il est difficile d'admettre que Jeanne est commise un péché mortel, car il semble assez évident que durant la séance du 24 mai Jeanne a promis en raison d'une crainte grave des choses qui de soi ne sont pas mortelles. Pourtant ses Voix parlaient qu'elle se damnait ; cela peut se comprendre en ce sens que si Jeanne d'Arc persévérait dans cette voie, elle serait tombée dans le péché mortel.
Pour les personnes qui seraient tentées de voir dans les reproches des Voix de la Pucelle un obstacle à sa canonisation, on peut remarquer les deux choses suivantes :
- il est délicat pour les juges ecclésiastiques de se baser sur des révélations privées, telles les Voix de Jeanne, pour affirmer que Jeanne a gravement fauté le 24 mai ;
- même si elle a mal agi au cimetière de Saint-Ouen, elle s'est admirablement comportée après :
- combat héroïque pour garder sa virginité contre les tentatives de viol réitérées plusieurs fois et même par un grand seigneur anglais ;
- fermeté face à Cauchon durant le procès de relapse
- fermeté dans le maintien de ses affirmations concernant l'authenticité de sa mission.
Tout ceci nous fait penser aux martyrs des premiers siècles qui dans un premier temps renièrent leur foi, mais se ressaisirent quelques jours après pour confesser leur foi jusqu'à la morte sanglante. Cela n'a pas empêché d'être considérés comme martyrs par l'Eglise.
cette faiblesse momentanée de Jeanne ne porte pas atteinte à sa sainteté, d'autant plus qu'à la différence des martyrs auxquels nous avons fait allusion, elle n'a rien renié de sa foi ni de ce qui allait contre sa conscience. De plus le 30 mai, jour de sa mort, elle s'est comportée d'une manière héroïque : elle a montré une grandeur d'âme au moment du supplice dont l'atrocité l'effrayait ;elle a maintenu que tous ces dires et faits étaient de Dieu ;elle avait son attention retenue par la pensée de son Sauveur Jésus qui fut son dernier mot avant de jouir de la gloire du paradis. Ce dernier combat fut sa dernière victoire, dont ses Voix lui avaient parlé.