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La réponse doctrinale ou théologique à l'hérésie iconoclaste

Icône de l'Annon

Dans un article précédent nous avons rappelé les principaux événements historiques relatifs à l'iconoclasme. Maintenant nous nous arrêtons à son aspect théologique et aux enjeux doctrinaux.

L'iconoclasme n'est pas une hérésie qui s'est limitée au VIIIe s. ; elle se retrouve en occident au Moyen-Age chez les Cathares, surtout les protestants. Ainsi la réponse théologique de l'Eglise contre l'iconoclasme garde toute sa valeur et mérite d'être mieux connue.

Deux courants dans l'iconoclasme

Avec l'iconoclasme, ce qui est en jeu c'est la christologie. Cette hérésie n'est pas quelque chose de monolithique, comme beaucoup d'autres d'ailleurs. On peut discerner deux grandes tendances :

- une position assez fondamentaliste, qui, en se basant sur l'interdiction de l'Ancien Testament, interprétait le culte des images comme de l'idolâtrie, où le support, bois, pierre étaient vénérés. Les partisans d'un tel courant voulait la destruction totale de toutes les images ;

- l'autre courant, avec des variantes, était plus modéré, il admettait les icônes dans les églises, mais disait qu'il ne fallait pas les vénérer, ou disait qu'il ne fallait tolérer que les icônes du Christ, ou encore ne pas représenter le Christ après sa mort.

Dès le début les défenseurs de la doctrine catholique firent appel à des arguments christologiques pour justifier le culte des images. Ce n'est pas l'hérésie iconoclaste qui obligea l'Eglise à chercher des arguments théologiques, mais ils avaient déjà été exposés avant cette hérésie, comme en témoigne le concile Quinisexte dont nous avons parlé dans cet article : Importance du Concile de Qinisexte. L'hérésie est cependant l'occasion d'un approfondissement.

Incarnation et icône

Pour l'Eglise c'est le mystère de l'incarnation qui fonde l'existence de l'icône. S'il en est ainsi, cette incarnation de la deuxième personne de la Sainte Trinité est à son tour affirmée et prouvée par l'image. L'icône est un gage de la réalité non illusoire de l'incarnation divine. Aux yeux de l'Eglise, la négation de l'icône du Christ équivaut à la négation de son incarnation, et par conséquent à la négation de toute l'économie du salut. Ainsi, en défendant le images sacrées, ce n'est pas seulement leur rôle didactique, ni leur aspect esthétique que défendait l'Eglise, mais la base même de la foi chrétienne.

Icône vierge deesis

Argumentation des iconoclastes

Au concile iconoclaste de 754 à Constantinople (10 février - 11 août), les hérétiques exposèrent avec précision les raisons pour laquelle ils refusaient le culte des icônes. Il est intéressant de s'y arrêter.

L'icône pour les hérétiques

Dès la définition de l'icône la divergence résidait entre les adversaires. Pour les iconoclastes, une véritable icône doit être de même nature que celui qu'elle représente, elle doit lui être consubstantielle. Les iconoclastes en concluaient que la seule icône du Christ est l'Eucharistie. Or un tel langage était quasiment incompréhensible pour l'Eglise catholique, car en raison de la transsubstantiation, l'Eucharistie n'est pas l'image du Christ, mais le Christ lui-même substantiellement présent.

L'icône pour les catholiques

Pour ces derniers, cette définition de l'image n'a pas de sens puisque la notion même correspondant au mot icône contient une différence essentielle entre l'image et son prototype ; selon saint Jean Damascène "autre chose est la représentation et autre chose est ce qui est représenté".

Icône de la Nativité

Dilemme insoluble ?

Du coup, les iconoclastes accusaient les catholiques de monophysisme (une seule nature dans le Christ) ou de nestorianisme (deux natures séparées) :

- soit les catholiques veulent représenter la nature divine et la nature humaine du Christ, ils tendent alors vers la confusion des deux natures, c'est du monophysisme ;

- soit les catholiques ne veulent représenter que la nature humaine, dans ce cas ils l'a séparent de la divinité ; ils sont donc Nestoriens.

En d'autres termes, pour les iconoclastes, puisqu'une icône ne peut pas exprimer la relation qui existe entre les deux natures du Christ, il est impossible de faire une icône, de représenter par des moyens humains le Dieu-homme sans tomber dans l'hérésie. C'est pour cela que seule l'Eucharistie est la seule icône possible du Seigneur.

La réponse des catholiques : personne et nature

L'Eglise répondra en rappelant la distinction très nette entre la nature d'une part, et la personne d'autre part, car c'est cette clarté qui manque dans l'argumentation iconoclaste : les tenants de cette erreur attribuent à la nature ce qui est propre à la personne. Car pour les iconoclastes soit on représente la nature divine du Christ, soit on représente sa nature humaine séparée de sa divinité, et dans tous les cas on est dans l'erreur. Mais les iconoclastes oubliaient une troisième solution où l'icône représente, non la nature, mais la personne du Christ. Pour les catholiques la nature n'a pas d'existence propre, mais elle apparait dans la personne. L'icône n'est pas une image de la nature divine ; elle est l'image d'une personne divine incarnée, elle transmet les traits du Fils de Dieu venu dans la chair, devenu visible et par conséquent représentable par des moyens humains.

Icône de la sainte Trinité

L'icône renvoie à la personne

L'icône est liée à son prototype parce qu'elle représente sa personne et porte son nom. C'est cela précisément qui rend possible la communion avec la personne représentée à travers son image, la connaissance de cette personne. L'honneur rendu à l'image va à son prototype. A l'inverse du mystère de la sainte Trinité, dans les icônes il y a une différence de nature et identité de personne. Chacun en a une expérience personnelle : quand on contemple une statue du Sacré-Coeur de Jésus, de la sainte Vierge ou d'un saint, on ne s'arrête pas à la matière, mais tout naturellement notre esprit est porté à penser à la personne représentée, la sainte Vierge.

Le rejet de l'icône, le rejet du culte des saints

Du coup dans la mesure où les iconoclastes rejettent l'icône du Christ, ils rejettent aussi tout naturellement les icônes de la sainte Vierge et des saints. Voici comment le concile iconoclaste de 754 s'exprime : "Comment ose-t-on représenter à l'aide d'un art païen la Mère de Dieu qui est plus haute que le ciel et que les saints ?"

De ce refus des icônes des saints, les iconoclastes en venaient à refuser la vénération des saints. Ainsi saint Jean Damascène en répondant à des iconoclastes modérés qui n'acceptaient que les icônes du Christ : "Si tu fais des images du Christ et n'en fait pas des saints, il est clair que tu interdis non la représentation, mais la vénération des saints... Ce n'est pas contre les icônes, mais contre le saints que tu luttes".

Icône de la Vierge Marie

Le rejet de l'icône, le rejet de la matière

En n'acceptant pas la vénération de saints, les hérétiques en arrivèrent tout naturellement à nier la vénération de leurs reliques, et de tout ce qui matériel. Une telle position est d'une grande portée, car pour les catholiques, au contraire, le salut est lié précisément à la matière, puisqu'il est réalisé par l'union hypostatique de Dieu avec la chair humaine. Citons encore saint Jean Damascène répondant aux iconoclastes : "Je n'adore pas la matière, mais j'adore le Créateur de la matière, qui est devenu matière à cause de moi, qui a voulu habiter la matière et qui, par la matière, a fait mon salut".

Ainsi le désaccord entre iconoclastes et catholiques était profond et sur des points essentiels ; les iconoclastes n'arrivaient pas à concevoir une juste harmonie entre le spirituel et le matériel, la possibilité de représenter l'ineffable, le Christ, sans le trahir.

Les iconoclastes formulaient toute une série d'autres raisons pour ne pas vénérer les icônes. Nous les verrons dans un autre article.

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