La Vierge Marie, Reine des Anges
Une humble servante devenue Reine
La sainte Vierge est représentée deux fois dans le retable. Une fois sur le retable fermé, dans la cène de l'Annonciation. C'est la jeune fille juive, l'humble servante du Seigneur. Et une deuxième fois sur le retable ouvert, où la jeune israélite est transformée en reine, avec une riche couronne sur la tête. Devenue reine des Anges, la Vierge Marie élève d'une certaine manière la nature humaine au-dessus de la nature angélique. C'est l'oeuvre de la grâce divine, qui bouleverse en quelque sorte l'ordre naturel.
Réalisme impressionnant du visage de Marie
Le visage de Marie est d'une finesse plus qu'étonnante, qui atteint la virtuosité. Jan Van Eyck a peint chaque cil l'un après l'autre ; les cheveux au bord de la chevelure peuvent se compter ; Van Eyck a rendu les nuances de la pulpe des lèvres ; la bouche entrouverte laisse apparaître les dents blanches et la langue dans l'ombre, et, comble de raffinement, le bout de cette langue brille d'une goutte de salive.
La couronne de la Reine des Anges
La tête est couronnée d'un diadème d'une richesse sans pareil : on y recense l'or, les perles, les saphirs, les rubis, mais aussi quatre espèces de fleurs : roses, lys, muguet et ancolies. De plus on peut repérer 12 étoiles qui rappellent la femme revêtue du soleil de l'Apocalypse : "Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête (Ap 12, 1)
Une bouche entrouverte
La reine des Cieux est donc en train de chanter ; le livre ne nous permet pas de voir ce qu'elle chante, mais on peut supposer que c'est le Magnificat.
Ce livre qui nous est inconnu rappelle que toute la gloire de Marie est intérieure.
Cette bouche légèrement entrouverte avec cette salivation suggère autre chose quand on se rappelle que nous sommes dans un retable, donc au dessus d'un autel sur lequel se trouve le corps et le sang de son divin Fils cachés sous les espèces du pain et du vin. Ainsi la Vierge Mère se prépare à cette communion ineffable.
Les inscriptions autour de la Vierge
Autour de la tête de Marie on peut lire des mots latins dont le sens en français est : "Voici celle qui est plus belle que le soleil et qui se tient au-dessus de toutes les constellations. Comparées à la lumière, elle est trouvée meilleure. Car elle est l'éclat de la lumière éternelle, le miroir immaculé de Dieu."
Cette gloire de Marie est signifiée par la très riche couronne que nous avons déjà décrite.
Saint Jean-Baptiste, en vis à vis
Saint Joseph ou le Précurseur ?
En vis à vis de la Mère du Fils de Dieu on aurait pu s'attendre à voir saint Joseph ; mais à l'époque saint Joseph était encore bien dans l'ombre. Nous trouvons alors le plus grand des enfants parmi les hommes, à savoir Saint Jean-Baptiste qui a eu le privilège unique de prophétiser la venue de Sauveur et d'être présent et acteur à la manifestation de Jésus notamment par son baptême au Jourdain.
Textes enveloppant la tête du Baptiste
Sur l'auréole on peut lire : Voici Jean-Baptiste, plus grand parmi les hommes, égal des anges, sommet de la Loi, semeur de l'Evangile, voix des apôtres, silence des prophètes, lampe du monde, témoin du Seigneur."
Marie et le Précurseur
Marie se situe au niveau du visuel, saint Jean-Baptiste de l'ouïe. Cette opposition dans le registre des métaphores cache en vérité une relation que nous indique la posture des personnages. Marie resplendit, Jean retentit, mais c'est Jean qui voit, et Marie qui écoute.
Il est intéressant de comparer la posture de sainte Jean-Baptiste et de la sainte Vierge.
Saint Jean-Baptiste montre du doigt le personne central, c'est-à-dire le Fils de Dieu, il regarde vers l'extérieur et semble proclamer ce qu'il vient de lire en Isaïe chapitre 40 : "Consolez mon peuple". Les pieds du Précurseur sont visibles comme s'il était prêt à partir en campagne tel un apôtre. La sainte Vierge au contraire est toute repliée sur elle-même, recueillie, attentive à sa lecture. Elle tient plusieurs pages à la fois pour montrer qu'elle se laissait pénétrer par la parole. La bouche de Marie est entrouverte pour recevoir la communion, celle de saint Jean-Baptiste aussi mais pour annoncer l'Agneau de Dieu qui s'est fait chair. La sainte Vierge enveloppée dan son manteau symbolise l'âme intérieure, l'âme contemplative. Attitude qui convient bien à la femme car elle est réceptivité ; par contre l'homme symbolisé par saint Jean-Baptiste est tourné vers l'extérieur, vers l'annonce de la Bonne Nouvelle.
L'homme engendre à l'extérieur de lui : c'est lui qui ensemence les âmes comme prêtre et prédicateur. La femme engendre en son sein : c'est elle qui fait germer la grâce par la prière et par l'écoute.