Puisque les bénédictions sont des sacramentaux, pour bien comprendre leur signification, il faut se rappeler ce qu'est un sacramental. Pour cela revenons à l'origine de ce mot.
A l'origine le mot "Sacramentalia" signifiait chose relative aux sacrements. C'est donc en comprenant bien ce qu'est un sacrement que nous pourrons mieux comprendre le rôle du sacramental.
Le sacrement est dans le genre du signe.
Selon l'enseignement de saint Thomas d'Aquin, repris par l'Eglise, le sacrement est un signe d'une réalité sacrée, des mystères divins. Cette signification des sacrements est triples :
- Signes commémoratifs de la Passion de Jésus,
- signes démonstratifs de ce qui est opéré en nous par l'action divine, signes démonstratifs de la grâce et des vertus.
- Signes d'une réalité future, la gloire qui nous attend.
La causalité des sacrements
Mais le sacrement n'est pas simplement signe il est aussi un signe pratique, il a une certaine causalité : il cause ce qu'il signifie. Toutefois, il ne cause pas tout ce qu'il signifie mais seulement la grâce dans l'âme de celui qui reçoit dignement le sacrement. La Passion et les réalités futures ne sont que signifiées par les sacrements.
Cette causalité des sacrements est quelque chose d'un peu unique en son genre ; les théologiens la qualifient de causalité instrumentale physique. La cause principale est Dieu qui se sert du signe sacramentel comme instrument, à l'image de l'artiste qui étale la peinture sur la toile en utilisant un instrument, le pinceau.
Signes et causalité
Dans les sacrements il y a des signes essentiels établis par le Christ, matière et forme (pour le baptême la matière, c'est l'eau et la forme les paroles : "je te baptise au nom...") qui avec l'action du prêtre constitue le geste sacramentel ; aussitôt ce signe accompli, la grâce est causée dans le fidèle bien disposé qui reçoit le sacrement. Du fait même que l'action sacramentelle essentielle est accomplie, l'effet de grâce est obtenu. Le sacrement, pour produire la grâce, agit, selon une expression consacrée, ex opere operato (à partir de l'oeuvre accomplie). Ce mode d'action est propre au sacrement et signifie, entre autre, que l'efficacité des sacrements est indépendante de la sainteté du ministre.
Rites secondaires et rite principal
Si le sacrement agit ex opere operato, il faut encore que le sujet, bénéficiaire du sacrement, soit bien disposé. Tel est un des rôles des sacramentaux, rites secondaires des sacrements. Ils ne sont pas de simples ornements mais ont pour rôle d'aider les fidèles à recevoir les sacrements avec fruits. D'autre part la richesse du signe principal dépasse l'intelligence humaine, qui ne peut pas saisir d'un seul coup toute sa signification. Tel est le deuxième rôle des sacramentaux, ils explicitent des idées et même des effets de première importance que le rite essentiel ne suffit pas exprimer. Dans le baptême le rite principal est l'ablution, mais les rites secondaires comme l'initiation, l'expulsion de Satan, l'infusion de l'Esprit Saint, l'illumination, etc... explicitent ce que réalise cette ablution. L'élément principal de l'Eucharistie, c'est la consécration du pain et du vin, mais la valeur sacrificielle est précisée et explicitée par des rites secondaires et pourtant indispensable : paroles du canon, usage de l'autel, signe de croix, etc...
Le rôle du Christ, le rôle de l'Eglise
L'essentiel du sacrement a été institué par le Christ, mais les rites secondaires, les sacramentaux proviennent de l'Eglise. Avec le temps la conception des sacramentaux a évolué au point de les considérer indépendamment des sacrements. Ils ne sont plus vu uniquement comme des éléments qui explicitent l'élément essentiel du sacrement et qui disposent les fidèles à recevoir dignement les effets du sacrement. Ils sont considérés comme des actions ou des objets sensibles capables de produire des effets spirituels. Ainsi le terme sacramental s'applique à des rites mineurs isolés. Du coup les cérémonies qui accompagnent les sacrements sont plus ou moins regardées comme une ornementation, obligatoire, il est vrai, en raison du pouvoir que le Christ a donné à son Eglise dans la dispensation des sacrements.
Le droit canon et le sacramental
Le code de droit canonique définit le sacramental de la manière suivante : "Les sacramentaux sont des signes sacrés par lesquels, d'une certaine manière, à l'imitation des sacrements, sont signifiés et obtenus à la prière de l'Eglise des effets surtout spirituels."
Cette définition officialise d'une certaine manière cette évolution que nous avons indiquée, et le sacramental n'est pas explicitement considéré comme un rite secondaire et explicatifs des sacrement. Cette définition s'applique aussi pour tous ces signes sacrés qui n'ont pas de rapport avec les sacrements, comme sont les différentes bénédictions des objets religieux (chapelets, médailles) ou même des choses profanes comme maisons, voitures, etc...
Le Sacramental dans le CEC
Le Catéchisme de l'Eglise catholique au numéro 1667 reprend bien la définition du code mais ajoute la phrase suivante : "Par eux, les hommes sont disposés à recevoir l'effet principal des sacrements, et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées." Le lien originaire avec les sacrements est donc rappelé explicitement. Cette précision est heureuse et rappelle clairement toute la richesse du sacramental.
L'efficacité des sacramentaux
Ils ne confèrent pas la grâce de l'Esprit Saint à la manière des sacrements, ex opere operato, mais par la prière de l'Eglise ils préparent à recevoir la grâce et disposent à y coopérer ; ils agissent ex opere operantis Ecclesiae (à partir de l'oeuvre de l'Eglise agissant).
Les sacramentaux sont assez variés : toutes les bénédictions des personnes, des lieux des objets. La bénédiction des abbés ou abbesses, la consécration des vierges, la professions religieuses, les ordres mineurs ou ministères, exorcisme...
puisqu'à l'instar d'un sacrement, le sacramental est un signe, en saisir sa signification aidera à en faire un meilleur usage. Ainsi il est très utile de comprendre le sens des prières de bénédictions pour être mieux disposé à recevoir ces effets. Cela nous évitera le piège de la superstition ou de considérer l'action des objets bénits comme de la magie.