A l'issue du procès, l'évêque Cauchon et les Anglais avaient obtenu de l'université de Paris la confirmation en quoi la Pucelle d'Orléans était schismatique, apostate et hérétique. Il ne restait plus qu'à prononcer la sentence. Alors Jeanne fut convoquée le 24 mai 1431 au cimetière de Saint-Ouen pour entendre sa condamnation. Mais cette séance fut un véritable guet-apens judiciaire, car les autorités, en plus d'une condamnation, voulaient que Jeanne abjure et révoque ses apparitions pour jeter le discrédit sur le roi de France Charles VII et ses partisans.
Les voix de sainte d'Arc : saint Michel, sainte Catherine, sainte Marguerite
Jeanne d'Arc, inébranlable
Au matin du 24 mai Jeanne continuait à affirmer avec force la véracité de ses apparitions et refusait de se soumettre au jugement, non pas de l'Eglise, mais des gens d'Eglise, ceux du tribunal de Rouen.
Pourquoi vouloir l'abjuration de Jeanne la Pucelle ?
Rappelons que les anglais voulaient la mort de Jeanne, mais Cauchon voulait une abjuration de Jeanne, car c'était alors reconnaître qu'elle avait fait une faute pour laquelle on pouvait la condamner.
La faute qu'il voulait faire reconnaître par Jeanne, c'est le port de l'habit d'homme que les lois de l'Eglise réprouvaient. Ainsi en renonçant à cet habit, Jeanne reconnaissait :
- qu'elle avait péché et était dans l'erreur en le portant,
- qu'elle avait menti en se prévalant du commandement de Dieu, car Dieu ne pouvait ordonner le mal.
Du même coup c'était reconnaître la fausseté de ses voix.
Le machiavélisme de Cauchon et des Anglais
En abjurant, Jeanne ne pouvait être que condamnée à vie. Cauchon pouvait se satisfaire de cette sentence car cela signifiait que Jeanne reconnaissait qu'elle s'était trompée et l'infamie retombait indirectement sur Charles VII et ses partisans. Mais une simple condamnation à vie n'était pas suffisante pour les Anglais, car pour eux il fallait que Jeanne meurt pour renouer avec les succès. Alors pour leur donner satisfaction, Cauchon imagina de faire rechuter Jeanne en la forçant de reprendre l'habit d'homme ; de cette manière elle pouvait être condamnée au bûcher comme relapse. Ainsi tout le monde serait satisfait. Telles sont les grandes lignes du plan échafaudé par le chancelier d'Angleterre et Cauchon qui se dégagent de l'analyse des différents témoignages.
Lecture de la sentence contre Jeanne d'Arc
Cauchon avait apporté deux sentences : une première qui condamnait à mort la Pucelle de Donrémy, l'autre à la prison à vie.
Une fois que tous les protagonistes eurent rejoint leurs places, la séance commença par une prédication qui accusait Charles VII d'hérétique et schismatique d'avoir écouté Jeanne, et le prédicateur, Guillaume Erard, somma par trois fois Jeanne de soumettre tous ses dires et faits à l'Eglise et de les révoquer. Par trois fois, Jeanne s'en rapporta à Dieu et en appela au pape, mais elle parlait à des sourds...
Jeanne d'Arc restait inébranlable, alors Cauchon se décida à lire la première sentence qui condamnait la Pucelle d'Orléans au bûcher.
Pressions faites sur Jeanne d'Arc
Pendant ce temps Guillaume Erard suppliait Jeanne de révoquer ses dires pour échapper à la mort ; un autre clerc la pressait de quitter l'habit d'homme, lui assurant qu'elle serait mise en prison d'Eglise gardée par des femmes.
Sainte Jeanne d'Arc, contrainte par ses juges à signer
Une cédule bien étrange
Guillaume Erard mit alors sous les yeux de Jeanne un petit billet en lui disant : tu vas signer et abjurer, mais Jeanne répondit qu'elle ne savait ce que signifiait abjurer.
Que contenait cette cédule ? Malheureusement on ne sait pas exactement mais en recoupant les différents témoignages nous pouvons affirmer qu'elle ne comportait aucune révocation de ses apparitions, ni même de soumission des ses dires et faits au tribunal de Rouen.
Jeanne hésitait ; et sur le conseil de Jean Massieu, huissier, elle dit à haute voix : "je m'en rapporte à l'Eglise universelle si je dois abjurer ou non". C'était une nouvelle fois faire appel au pape. Guillaume Erard, furieux de cette réponse soufflée par Jean Massieu, le seul bon Samaritain de la séance, donna l'ordre à ce dernier de ne plus parler à Jeanne, et fit signe à Cauchon que Jeanne acceptait de s'en rapporter au jugement de l'Eglise sans autre précision. De la part de Jeanne ce n'était pas une abjuration.
Les trois promesses de Jeanne d'Arc
Cauchon avait fini la lecture de la sentence de condamnation ; malgré cela, il demanda au Cardinal d'Angleterre, le chancelier, si Jeanne pouvait être admise à la pénitence en raison du fait que la prisonnière acceptait le jugement de l'Eglise. Le cardinal répondit affirmativement, mais Jeanne n'avait pas encore signé la cédule. Enfin, après avoir longuement hésité, Jeanne répéta après Massieu les trois promesses qu'on lui dit être contenues dans la cédule et qui étaient sans rapport avec ses apparitions et sa soumission au jugement du tribunal de Rouen. Ces trois promesses étaient de renoncer :
- à porter les armes,
- à l'habit d'homme
- et aux cheveux courts.
La cédule de 50 lignes
Il est très peu probable que Jeanne ait signé cette cédule qui faisait huit lignes environ. Celle-ci ne fut pas insérée aux actes du procès, mais Cauchon la remplaça par une autre de cinquante lignes environ dans laquelle Jeanne s'accusait de tous les crimes. En faisant cette substitution, Cauchon accréditait la thèse en quoi Jeanne avait abjuré ses apparitions.
A vrai dire ces trois promesses pouvaient être comprises comme n'étant pas le reniement de ses apparitions : elle pouvait très bien promettre à l'avenir ne plus porter d'habit d'homme sans pour autant nier que ce sont ses voix qui lui avaient demandé de prendre un tel habit.
Prison à vie pour la Pucelle d'Orléans
Mais revenons à Saint-Ouen, où Jeanne venait de faire vaguement trois promesses que Cauchon a voulu prendre pour une abjuration. Du coup, Cauchon commua la sentence de condamnation à mort par une condamnation à la prison à perpétuité.
Aussitôt Jeanne fut revêtue d'un habit de femme au cimetière même, et elle demanda à être conduite dans une prison de femmes, selon ce qui lui avait été promis.
L'abjuration de Jeanne d'Arc ?
D'après les faits que nous avons rappelé il est clair que Jeanne d'Arc n'a pas renié ses voix, ni abjuré. Tout cela est confirmé par le procès de relapse qui se déroula du 28 au 30 mai. Jeanne répondit d'une part qu'elle n'avait pas fait le serment de ne pas reprendre l'habit d'homme et d'autre part qu'elle n'avait jamais révoqué ses apparitions. Par conséquent, dans l'esprit de Jeanne, il n'y avait à la journée du cimetière de Saint-Ouen aucune abjuration. Ainsi il n'y avait pas d'empêchement majeur à reconnaître l'héroïcité des vertus. Le chemin des autels était donc ouvert pour sainte Jeanne d'Arc.
Le reproche des voix de sainte Jeanne d'Arc
Mais en faveur de l'abjuration, il y a un argument de poids : les reproches de ses voix après la journée du cimetière. Selon Jeanne elle-même ses voix la blâmèrent gravement parce qu'elle "faisait et avait fait grande injure à Dieu, en confessant qu'elle n'avait pas bien fait ce qu'elle avait fait".
et selon un autre témoignage :
"Dieu m'a mandé par saintes Catherine et Marguerite grande pitié de cette forte trahison à laquelle j'ai consenti en faisant abjuration et révocation pour sauver ma vie, et que je me damnais pour sauver ma vie."
Nous examinerons en détail dans un prochain article comment comprendre les reproches faits à sainte Jeanne d'Arc par ses voix.