Le secret de La Salette communiqué au pape Pie IX
Lorsque la sainte Vierge est apparue à deux enfants à La Salette en 1846, elle a confié à chacun des voyants un secret qu'ils ne devaient pas révéler, au moins dans l'immédiat. Cette fermeté des enfants à ne pas vouloir livrer leur secret indispose certains et jette la division. Mgr de Bruillard, évêque de Grenoble, qui dirige l'enquête canonique, pour couper court à ces oppositions, exige des deux enfants qu'ils écrivent le secret pour le communiquer au pape. Maximin rédige le sien le 3 juillet 1851 et Mélanie, après beaucoup d'hésitation, le 6. Le soir même, deux envoyés de Mgr de Bruillard, les chanoines Gerin et Rousselot, partent pour Rome ; le 18 juillet ils remettent les secrets en mains propres à Pie IX. Deux conseillers forts important du pape prennent connaissance du secret et donnent un avis favorable à l'apparition. Fort de cet encouragement, Mgr de Bruillard signe un mandement 5 ans après les apparitions, le 19 septembre 1851, où il reconnait l'authenticité de l'apparition de la Vierge aux deux enfants.
Le contenu de la première rédaction de ces secrets
Avant d'envoyer ses deux chanoines à Rome, Mgr de Bruillard prit connaissance du contenu du secret et pleura ; le Bienheureux Pie IX quant à lui a blêmi puis rappelé combien l'Eglise était militante : "J'en suis le capitaine... L'indifférence chrétienne lui est plus dommageable que la persécution ouverte".
Découverte des deux originaux rédigés par Maximin et Mélanie
Ces deux documents furent classés dans les archives du Vatican. Des recherches furent entreprises pour les retrouver, mais elles n'aboutirent pas et l'on considéra ces deux documents comme perdus. Mais ils furent retrouvés en 1999 par M. l'abbé de Courteville qui effectuait des recherches dans les archives de la Congrégation de la doctrine de la foi en vue d'une thèse sur les deux voyants de Fatima.
Ces deux documents, la rédaction de Maximin et celle de Mélanie, ont une valeur importante et sont un peu comme un texte officiels puisque destinés au pape. Les enfants ont dû s'appliquer dans leur rédaction, et Mélanie s'est même prise à deux fois.
La rédaction de Maximin Giraud
Le 19 septembre 1846, nous avons vu une belle Dame. Nous n’avons jamais dit que cette dame fut la Sainte Vierge mais nous avons toujours dit que c’était une belle Dame. Je ne sais pas si c’est la sainte Vierge ou une autre personne. Moi, je crois aujourd’hui que c’est la sainte Vierge. Voilà ce que cette Dame m’a dit :
« Si mon peuple continue, ce que je vais vous dire arrivera plus tôt, s’il change un peu, ce sera un peu plus tard. La France a corrompu l’univers, un jour elle sera punie. La foi s’éteindra dans la France ; trois parties de la France ne pratiqueront plus de religion, ou presque plus, l’autre partie la pratiquera sans bien la pratiquer. Puis, après [cela], les nations se convertiront, la foi se rallumera partout. Une grande contrée dans le nord de l’Europe, aujourd’hui protestante, se convertira : par l’appui de cette contrée toutes les autres contrées du monde se convertiront.
Avant que tout cela arrive, de grands troubles arriveront, dans l’Église, et partout. Puis, après [cela], notre Saint-Père le pape sera persécuté. Son successeur sera un pontife que personne [n’]attend. Puis, après [cela], une grande paix arrivera, mais elle ne durera pas longtemps. Un monstre viendra la troubler. Tout ce que je vous dis là arrivera dans l’autre siècle, [au] plus tard aux deux mille ans. »
Maximin Giraud (Elle a dit de le dire quelque temps avant). Mon Très Saint-Père, votre sainte bénédiction à une de vos brebis, Grenoble, le 3 juillet 1851.
Le voyant de La Salette Maximin Giraud
La rédaction de Mélanie Calvat
J.M.J.
secret que m’a donné la Sainte Vierge sur la Montagne de La Salette le 19 septembre 1846
Mélanie, je vais vous dire quelque chose que vous ne direz à personne :
Le temps de la colère de Dieu est arrivé! Si, lorsque vous aurez dit aux peuples ce que je vous ai dit tout à l’heure, et ce que je vous dirai de dire encore, si, après cela, ils ne se convertissent pas,
(si on ne fait pas pénitence, et si on ne cesse pas de travailler le dimanche, et si on continue à blasphémer le Saint Nom de Dieu), en un mot, si la face de la terre ne change pas, Dieu va se venger contre le peuple ingrat et esclave du démon. Mon Fils va faire éclater sa puissance! Paris, cette ville souillée de toutes sortes de crimes, périra infailliblement. Marseille sera détruite en peu de temps. Lorsque ces choses arriveront, le désordre sera complet sur la terre, Le monde s’abandonnera à ses passions impies. Le pape sera persécuté de toutes parts : on lui tirera dessus, on voudra le mettre à mort, mais on ne lui pourra rien, le Vicaire de Dieu triomphera encore cette fois[-là]. Les prêtres et les religieuses, et les vrais serviteurs de mon Fils seront persécutés, et plusieurs mourront pour la foi de Jésus-Christ. Une famine régnera en même temps. Après que toutes ces choses seront arrivées, beaucoup de personnes reconnaîtront la main de Dieu sur elles, se convertiront, et feront pénitence de leurs péchés. Un grand roi montera sur le trône, et régnera pendant quelques années. La religion refleurira et s’étendra par toute la terre et la fertilité sera grande, le monde content de ne manquer de rien recommencera ses désordres, abandonnera Dieu, et se livrera à ses passions criminelles. [Parmi] les ministres de Dieu, et les Epouses de Jésus-Christ, il y en a qui se livreront au désordre, et c’est ce qu’il y aura de [plus] terrible. Enfin, un enfer régnera sur la terre. Ce sera alors que l’Antéchrist naîtra d’une religieuse; mais, malheur à elle ! Beaucoup de personnes croiront à lui, parce qu’il se dira le venu du ciel, malheur à ceux qui le croiront! Le temps n’est pas éloigné, il ne passera pas deux fois 50 ans.
Mon enfant, vous ne direz pas ce que je viens de vous dire. (Vous ne le direz à personne, vous ne direz pas si vous devez le dire un jour, vous ne direz pas ce que cela regarde),
enfin vous ne direz rien jusqu’à ce que je vous dise de le dire ! Je prie Notre Saint-Père le Pape de me donner sa sainte bénédiction. Mélanie Mathieu, Bergère de La Salette
Grenoble 6 juillet 1851.
J.M.J.+
Harmonie des deux rédactions
Les deux rédactions s'accordent sur l'essentiel, mais diffèrent dans leurs développements et même leur tonalité. Cela ne doit pas nous surprendre car chacun des voyants rédigent selon leur personnalité propre. Le secret de Maximin est plus court, plus simple, moins grave. Mélanie a le souci du destinataire.
Il y a une difficulté qui demeure, pourquoi Mélanie a-t-elle révélé le secret alors que Notre-Dame lui avait demandé de ne le dire à personne ? Et Mélanie ajoutait que le pape est une personne. La réponse à ce problème se trouve sans doute dans une question posée par une institutrice qui lui demandait si elle avait revu la sainte vierge. Mélanie ne répondit pas ... qui ne dit mot consent...
L'authenticité d'une prophétie n'enlève pas son obscurité et les difficultés d'interprétation. On reviendra à l'occasion sur l'interprétation et les enseignements qui en découlent.
Ce n'est pas la seule fois que les deux voyants rédigèrent le secret ; Mélanie écrivit 8 versions, dont les dernières sont beaucoup plus longues. Ce fut l'occasion de critiques et de jugements durs sur Mélanie qui fut taxée de cerveau faible et dérangé. Mais nous parlerons plus en détail de ces différentes rédactions dans un prochain article.