Signification du trigramme IHS
Le trigramme du Christ est issu des lettres grecques Iota, Êta et Sigma ; en latin il se compose des trois lettres IHS. A l'origine il est l'abréviation du nom en grec de Jésus réduit aux trois premières lettres ou aux deux premières auxquelles est jointe la dernière lettre. La tradition latine l'a interprété comme l'abréviation de Jesus Hominum Salvator (Jésus Sauveur des Hommes), car on avait oublié que l'H figurait ordinairement dans ce signe comme la majuscule de l'êta grec, et on avait fini par y voir un h latin. Surmonté d'une croix et entouré d'un soleil, ce symbole christique est l'attribut iconographique de Bernardin de Sienne, car c'est l'emblème que s'était choisi ce prédicateur franciscain qui contribua largement à la propagation en Italie de la dévotion au Saint Nom de Jésus.
Saint Bernardin, un prédicateur infatigable
Saint Bernardin de Sienne naquit en 1380 ; devenu orphelin très jeune, il est recueilli par sa tante à Sienne. En 1400, il prit part au soin des malades à l'hôpital Santa Maria della Scala de Sienne pendant que la peste ravageait la ville. Atteint par la maladie il fut miraculeusement guéri. En 1402, il décida d'entrer chez les observants, la branche la plus stricte des Franciscains. Ordonné prêtre deux ans plus tard, il se consacra à la prédication apostolique en Italie du nord. Saint Bernardin devint un prédicateur particulièrement populaire à partir de 1424, en raison de son éloquence exceptionnelle et de son art de la persuasion pour dénoncer les comportements des hommes ou aborder les grand maux de l'époque, comme la luxure, le jeu ou l'usure. Saint Bernardin développa la dévotion au Saint Nom de Jésus, qu'il fit inscrire sous la forme de trois lettres entourées d'un cercle rayonnant, comme nous l'avons décrit au début de cet article.
Origine de la tablette de saint Bernardin avec l'IHS
C'est au cours des sermons prononcés à Venise et dans les villes de son territoire en 1423, que commença à se manifester avec éclat le zèle de saint Bernardin à propager la dévotion au nom de Jésus. Cette dévotion était particulièrement en honneur dans la famille franciscaine. Bernardin n'innovait donc pas quand il cherchait à ranimer cette dévotion, un peu négligée en son temps. Il engageait ses auditeurs à inscrire sur les monuments publics ou privé ce nom, ou du moins son abréviation. Il l'avait adopté, et avait fait peindre sur de petites tablettes le trigramme surmonté d'une croix et entouré d'un cercle de rayons dorés. Ces lettres étaient écrites en caractère gothique et l'H était généralement surmonté d'une petite croix. Ce moyen se révéla très pratique pour entraîner les foules à affirmer leur unité et leur piété.
Saint Bernardin de Sienne avec sa tablette IHS
Saint Bernardin en bute aux persécutions
Mais les critiques et persécutions commencèrent rapidement. Dès l'année 1424, saint Bernardin est attaqué pour pratique superstitieuse, magique et idolâtrique. On lui reproche de ne pas proposer à l'adoration des fidèles le Nom de Jésus, mais l'objet même sur lequel il est symbolisé et d'encourager ainsi les tendances superstitieuses des fidèles, en utilisant par exemple la réflexion du soleil sur l'or de la tablette pour les impressionner et les égarer. On constate que la tablette est plus vénérée que l'hostie et qu'elle ressuscite une pratique d'origine païenne : l'adoration du soleil. On lui reprochait aussi de substituer aux images du Christ en place dans les églises sa propre image du Nom de Jésus écrit en lettres d'or gothiques.
Saint Bernardin se défendit vaillamment dans plusieurs sermons. Mais les critiques devinrent si fortes et pressentes que le saint est cité par le pape Martin V à comparaitre à Rome.
Triomphe de saint Bernardin de Sienne
Le débat contradictoire qui eut lieu en juin 1427 devant le pape Martin V fut un succès complet pour Saint Bernardin soutenu par son confrère saint Jean de Capistran.
"De même disait-il, que vous adorez Jésus dans sa chair, de même vous devez adorer le nom de Jésus: je ne dis pas la sculpture ou la couleur, mais en quelque sorte la saveur; non le signe, mais ce qui est signifié ; car le nom de Jésus signifie pour vous le Sauveur, le Rédempteur et le Fils de Dieu."
Le pape lui redonna toute sa faveur et lui rendit la liberté entière de porter partout la parole de Dieu, de montrer aux peuples le très doux nom de Jésus. Ces luttes reprirent quelques années après, mais saint Bernardin en sortit encore vainqueur. En fin de compte, toutes ces persécutions permirent une plus grande diffusion du trigramme IHS et de la dévotion au saint Nom de Jésus.
Saint Bernardin de Sienne mourut en 1444 et fut canonisé 6 ans après en raison de sa grande popularité.
Expansion du trigramme IHS
Puisque tout doit être fait au nom de Jésus, on l'inscrivit en tête des comptes, des écrits, des lettres, parfois même des actes officiels au lieu de la formule classique "In nomine Domine". Le nom entier ou le trigramme IHS fut pris comme motif pour des reliures, utilisé comme filigrane en papeterie; il servit souvent d'enseigne, aussi le trouvait-on fréquemment dans les marques de libraires.
Médaille de l'Enfant Jésus de Prague avec IHS
Avec la compagnie de Jésus, une nouvelle expansion fut promise au nom de Jésus. Saint Ignace, fondateur de cette Compagnie en 1537, avait un grand amour pour le Christ Jésus. Cet amour pour notre Sauveur comportait la vénération et le zèle pour son nom : saint Ignace l'inscrit en tête de ses lettres, il célébrait fréquemment la messe votive à sa gloire.
Un calice avec IHS gravé sur le noeud (au centre de la photo) ; gros plan sur le noeud :
Le sigle porté dans le monde entier par la compagnie de Jésus est le trigramme, désormais en lettres latines, et couramment interprété "Jesus Hominum Salvator" : églises, collèges, prédications, éditions exaltent le nom du Sauveur. On retrouve le trigramme IHS un peu partout dans l'ornementation des églises, sur les chasubles, les calices, au dos des patènes, etc... La maison professe de la Compagnie de Jésus à Rome a son église dédiée à "Gesù" (1568) ; le triomphe du nom de Jésus est un thème des peintres de la contre-réforme (El Greco à l'Escorial, 1580). Dans l'apostolat de la Compagnie de Jésus, on relève à toute époque l'action pour faire vénérer et invoquer le nom tout-puissant. C'est sans doute dans la mouvance de ce courant, créé par saint Bernardin et entretenu par les Jésuites, qu'apparut sur les médailles de saint Benoît le trigramme IHS.
Médaille de saint Benoît avec IHS